Inoubliable pour la famille du petit disparu, l’affaire Ludovic Janvier ne fait plus la Une mais son épais mystère a marqué les quatre dernières décennies. Closer revient sur cette enquête hors norme.
“J’ai perdu mon chien-loup. Si vous m’aidez à le retrouver, je vous achèterai des bonbons.” Le jeudi 17 mars 1983, Ludovic Janvier, 6 ans, et ses deux frères, Jérôme, 8 ans, et Nicolas, 2 ans et demi, quittent le domicile familial pour aller acheter à leur père un paquet de Gauloises. Sur la place de la République de Saint-Martin-d’Hères, à moins de 100 mètres de chez eux, ils croisent la route d’un “monsieur“. Il porte un casque de mobylette et un bleu de travail, leur demande de l’aide pour retrouver son “chien-loup“. Sans réfléchir, les enfants partent à la recherche de l’animal. D’un côté, l’aîné s’éloigne avec le benjamin. Jérôme regarde Ludovic partir avec l’homme en bleu, et ce pour la dernière fois.
Cette histoire, c’est Jérôme lui-même qui l’a racontée. À son père, d’abord, le soir du 17 mars 1983, et de nombreuses fois ensuite, aux gendarmes, aux médias, et à qui voulait bien l’écouter. “Je le vois partir, je le vois me regarder. J’avais peut-être 7 ans et demi mais je me dis, si on avait tracé notre chemin…”, confiait-il, en 2018, à France Info. Presque quarante ans plus tard, le grand frère de Ludovic ne sait toujours pas où a disparu son cadet. Pourtant, l’enquête lancée par la gendarmerie a débouché sur de nombreuses pistes. En vain.
Ludovic Janvier : un mystère sans fin
L’année de la disparition de Ludovic, une greffière du tribunal de Grenoble reçoit d’abord un appel anonyme l’informant du bien-être de l’enfant recherché, qui aurait été recueilli par un couple dans l’incapacité de procréer. De nombreux dispositifs sont mis en place pour retrouver la trace du correspondant. Mais dans les années 1980, la police est limitée par la technologie. Bientôt, cette piste s’évanouit. Jusqu’en 1985. Au printemps, deux spéléologues découvrent, dans une grotte du Vercors, le squelette d’un petit garçon. Un premier collège d’experts affirme qu’il s’agit du corps du petit Ludovic. Un second réfute cette hypothèse. L’enquête reprend.
Faute de preuves, un premier non-lieu est prononcé en 1988, cinq ans après la disparition de Ludovic. Mais en 2010, nouveau coup de théâtre. Dans un hôpital rémois, une infirmière croise le regard d’un homme. Il ressemble comme deux gouttes d’eau à Jérôme Janvier, apparu quelques semaines plus tôt dans un reportage consacré à son frère. La justice grenobloise se ressaisit de l’enquête, et la famille de Ludovic engage les avocats Didier Seban et Corinne Herrmann, spécialisés dans les affaires de disparition non résolues. C’est eux qui, entre autres, représentent le père de la petite Estelle Mouzin, disparu en 2003 à Guermantes. Corinne Herrmann demande une expertise ADN sur le corps du petit garçon retrouvé en 1985. Nouveau rebondissement dans l’enquête : le corps est introuvable. “On nous a répondu : ‘On ne sait pas où il est. On l’a détruit en 1998, car il était à l’hôpital.’ Et quand, en 2010, j’ai demandé l’acte de destruction, le procureur m’a répondu : ‘On l’a perdu, on le cherche dans tout le tribunal'”, racontera, plus tard, la magistrate.
“J’aimerais tellement dire : ‘Tu vois, papa, on a tenu notre promesse, on l’a retrouvé'”
Après une réouverture de l’enquête en 2011 dans le cadre de l’affaire des disparus de l’Isère, puis un second non-lieu en 2014, la cour d’appel de Grenoble a une nouvelle fois relancé les investigations dans le courant de l’année 2015. L’enquête n’en finit toutefois pas de piétiner, au grand dam de la famille Janvier et de ses avocats. Près de quarante ans après la disparition de Ludovic, les frères et sœurs du petit garçon continuent de croire à de futures retrouvailles : “Ce jour-là, on s’isolera tous les quatre, on se fera une bouffe, on apprendra à se connaître”, confiait récemment Jérôme Janvier à Marie-Claire. “Et à mon père, mort de son chagrin (d’un suicide présumé en 2007, ndlr), j’aimerais tellement dire : ‘Tu vois, papa, on a tenu notre promesse, on l’a retrouvé’.”