La mer a pris l’homme dans la nuit du 12 juin 1998 pour le rendre plus d’un mois plus tard au large de l’Irlande. Retour sur les dernières heures d’un marin qui a perdu pied.
Plus de 20 ans après sa mort, Eric Tabarly reste une légende pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la navigation. Après avoir découvert la voile à seulement 3 ans, l’homme qui s’est illustré dans son domaine est mort en mer à l’âge de 66 ans, en tombant d’un voilier devenu mythique, le Pen Duick. Mais que s’est-il passé ce fameux soir du vendredi 12 juin 1998 pour qu’un marin expérimenté, double vainqueur de la Transatlantique en solitaire, se noie face à un équipage impuissant ?
Après la mort d’Eric Tabarly, sa femme Jacqueline Tabarly – avec laquelle il a eu une fille, Marie – a demandé à l’équipage qui se trouvait avait lui sur Pen Duick de ne pas accorder d’interview à la presse pour parler de l’accident, mais plutôt de lire un communiqué racontant les faits. C’est dans ce communiqué qu’on apprend qu’Eric Tabarly et son équipage, le photographe Erwan Quéméré, le couple Antoine et Candida Costa et Jacques-André Rebec, ont quitté Newlyn, à la pointe sud de l’Angleterre, le vendredi 12 juin 1998 en fin de matinée.
Un départ marqué par la superstition
Pour les plus superstitieux, ce départ présageait déjà une tragédie à venir, car le monde marin est rempli de traditions et de superstitions, et le vendredi en fait partie. Selon les croyances, quitter un port le vendredi porterait malheur. Ces croyances puisent leurs origines à la fois dans la religion chrétienne, où le vendredi a une signification néfaste à cause de la mort du Christ qui a eu lieu un vendredi, mais aussi dans un simple fait datant d’une autre époque. En effet c’est traditionnellement le jeudi que les marins recevaient leur paie, une paie qu’ils s’empressaient d’aller dépenser dans les tavernes le soir-même. Cela signifie que beaucoup de marins n’étaient pas très frais le lendemain et que de nombreux accidents ont donc eu lieu le vendredi à cause de marins encore alcoolisés.
De là est née la superstition selon laquelle mettre un bateau à l’eau le vendredi n’est pas un bon présage. Pourtant c’est bien un vendredi que le Pen Duick a pris la mer avec, à bord, Eric Tabarly et ses quatre compagnons de voyages. Le navigateur se rendait tout au nord du Royaume-Uni, à Fairlie en Ecosse, pour un rassemblement spécial de tous les voiliers construits, comme son Pen Duick, sur les plans dessinés par l’architecte naval écossais William Fife.
Des conditions difficiles et une imprudence
Malgré toute son expérience et ses années de navigation, Eric Tabarly est mort à cause d’un enchaînement de circonstances raconté en détails dans le communiqué de presse qui a suivi la tragédie. Comme c’est précisé, le vent “forcissant progressivement” a entraîné des manœuvres sur le voilier pour lesquelles tout l’équipage a été mis à contribution. Suite à un coup de roulis cependant qui a fait balancer le bateau, “Eric, se trouvant à ce moment-là en train de saisir la voile, debout sur le capot de descente, a été heurté sous la corne, à hauteur de poitrine et projeté à la mer sur babord”. Le marin expérimenté ne portait ni harnais de sécurité, ni gilet de sauvetage.
Les quatre personnes encore à bord ont rapidement jeté une bouée à la mer puis tenté de se rapprocher d’Eric Tabarly, mais les conditions météo et la nuit n’aidant pas, le navigateur n’a jamais été retrouvé par son équipage. Le 17 juillet 1998, plus d’un mois après sa disparition, le corps d’Eric Tabarly est repêché au sud des côtes irlandaises par un chalutier breton, puis autopsié. Bien que très endommagé par son séjour en mer, le cadavre reste reconnaissable grâce au pantalon rouge propre à Eric Tabarly, et à son pull sur lequel son nom est toujours inscrit.