Eviter qu’un forcené ne prenne le contrôle d’un vol Munich-Paris, c’est l’acte de bravoure qu’a réalisé Tarik Sahibeddine. Une prouesse que le sportif raconte dans un livre percutant.
Le 24 août 2018. Tarik Sahibeddine et sa femme Nacera rentrent de vacances. Il est 17 h 55 et, comme prévu, le vol LH 2236 Munich-Paris décolle.Vingt minutes plus tard, Tarik repère un grand type au comportement louche. Agité, l’étrange passager suit et interpelle une hôtesse de l’air avec insistance. Lorsque le chef de bord intervient, le jeune homme fait mine de lui donner un coup de tête. Tarik est aux aguets : “J’ai scanné les autres passagers de l’avion, à la recherche d’un éventuel comparse. Mais ce jeune homme semblait seul.” L’équipe tente de le raisonner, en l’invitant à retourner à son siège. En vain.
“« Il va y avoir une bagarre », ai-je dit à ma femme. Ma compagne a tout de suite compris, elle sait que je ne peux pas rester les bras croisés face au danger. Et je me suis levé.” Educateur spécialisé dans une maison d’enfants au sein d’Apprentis d’Auteuil, Tarik est aussi un ancien boxeur professionnel, double champion de France, qui a combattu sur les plus beaux rings de la planète. Autant dire que l’homme n’a pas froid aux yeux.
Le boxeur jauge son adversaire et décide d’entamer le dialogue
“Après notre voyage en Croatie, nous étions justement passés à Munich, car c’est là que j’avais disputé mon premier combat international”, raconte-t-il. Même s’il n’y a pas encore eu d’esclandre, son instinct lui dicte de s’approcher discrètement du drôle d’individu. “Là, j’entends le type dire au chef de bord de la Lufthansa : « Vous allez écouter ce que je dis, c’est moi le patron ici. »” Discrètement, Tarik propose son aide à l’équipage, qui accepte, reconnaissant. Le boxeur jauge son adversaire et décide d’entamer le dialogue. Un face-à-face psychologique digne de ceux qui se déroulent au moment de monter sur le ring.
“Il changeait d’humeur. Il rigolait, puis devenait agressif. Il cherchait à terroriser, à impressionner. A un moment, il a menacé d’ouvrir les portes de secours et a déclaré : « Si le commandant de bord ne veut pas venir me voir, je vais y aller. Je vais prendre les commandes de l’avion et on retournera vers Munich ! »” L’homme ne semble pas armé, mais se révèle incohérent et imprévisible. Tarik décide donc de jouer la carte de la tempérance. “Bien que mon poing me démangeait, je voulais éviter la bagarre”, précise-t-il.
“Face à un type fou qui veut détourner un avion, on ne peut pas montrer une once de crainte”
Pendant que l’équipage évacue les voyageurs vers le fond de l’avion, lui joue la montre. “Ce jour-là, j’ai eu peur comme tout le monde, se souvient-il. Mais c’est une émotion que j’ai appris à gérer grâce à la boxe. Face à un type fou qui veut détourner un avion, on ne peut pas montrer une once de crainte. Il y a trop d’enjeux.”
En première ligne, Tarik sait qu’il est en mesure de maîtriser l’assaillant. Rejoint par le chef de bord et deux voyageurs, dont un policier, il décide de passer à l’action. “J’ai précisé que j’étais éducateur et que je ne voulais aucun problème avec la justice, parce qu’il se pouvait que je lui arrache la mâchoire.” On lui donne carte blanche. Tarik entre alors en mode combat. Une minute plus tard, le déséquilibré est au sol, immobilisé.
“Moi aussi, j’ai commis des erreurs de jeunesse”
Faute de menottes, il est ficelé avec des colliers en plastique apportés par les hôtesses. Et le vol atterrit comme prévu à Paris, avec ses deux cents passagers sains et saufs. “Après sa garde à vue, le forcené a été interné en psychiatrie“, retrace Tarik. La fin de l’histoire au niveau judiciaire, car si l’épisode du vol Munich-Paris a fait la une des journaux et suscité des millions de réactions sur les réseaux sociaux, le forcené a été déclaré irresponsable.
“Cette histoire a fait le tour du monde mais, au niveau politique, il ne s’est rien passé”, constate sans amertume le courageux sportif. Seule la Fédération française de boxe lui a remis une médaille. Mais Tarik n’en demandait pas plus. “Je ne suis pas un héros. Dans mon livre (Dans le droit chemin, éd. City), je raconte mon parcours. Moi aussi, j’ai commis des erreurs de jeunesse, et la boxe a été ma bouée de secours. Aujourd’hui, avec les apprentis d’Auteuil, j’ai la chance de monter de beaux projets sport et insertion. Que vouloir de plus ? Je suis un homme heureux.”