Née en 1986 au Guatemala lors de la guerre civile, Mariela a été adoptée légalement par une famille belge qui la prénomme Coline. Plus tard, Coline découvrira qu’elle a été kidnappée à la naissance.
En ce mercredi 3 novembre 2021, Coline regarde Eva, 9 ans, et Hugo, 4 ans et demi, jouer en riant avec Pascal, leur père et son mari, submergée par l’émotion. Son livre, Maman, je ne suis pas morte (Kennes Editions) en librairie et bientôt adapté à la télévision, raconte son incroyable histoire qu’elle tient à transmettre à ses enfants. Née en 1986 au Guatemala, Mariela est adoptée à l’âge de 11 mois par un couple des Ardennes. Il la prénomme Coline. Son enfance et son adolescence se déroulent sereinement au sein de cette famille aimante.
“J’ai toujours su que j’étais adoptée. Officiellement, ma mère biologique m’avait abandonnée, car elle était trop pauvre. Mes parents avaient scrupuleusement suivi la voie légale avec une association belge agréée, Hacer Puente. Je recevais beaucoup d’amour, je vivais tout ça très tranquillement”, explique-t-elle. A sa majorité, Coline emménage aux abords de Bruxelles où elle travaille comme fonctionnaire, se marie et devient la mère de deux enfants.
“Bonjour ma chérie, je crois que je suis ta maman, ils m’ont dit que tu étais morte”
En 2017, sa fille l’interroge sur ses origines. Coline décide alors de fouiller son passé. Sur Internet, elle lit des articles sur des vols d’enfants au Guatemala et s’interroge sur sa propre histoire. “Au début, je ne me sentais pas concernée. Mais j’ai trouvé des noms qui étaient aussi inscrits dans mon dossier d’adoption, lequel s’est révélé bourré d’incohérences.” Avec son maigre dossier et l’aide de la chanteuse et actrice française d’origine guatémaltèque Carmen Maria Vega et du journaliste d’investigation franco-hondurien Sebastián Escalón, elle entame, via Facebook, des recherches sur sa mère.
“Je tombe sur un profil et, tout de suite, je suis sûre. Sûre à 200 %. Je la vois, ça me pique dans le ventre, ça brûle, je sais que c’est elle…”, raconte Coline, qui envoie derechef un message exprimant, “avec délicatesse”, sa conviction. Celle d’avoir retrouvé sa mère biologique ! La réponse est bouleversante : “Bonjour ma chérie, bonjour mon amour, je crois que je suis ta maman, ils m’ont dit que tu étais morte.” A 31 ans, Coline apprend, stupéfaite, qu’elle n’a en fait jamais été abandonnée.
Quand les orphelins venaient à manquer, des filières avaient recours à des enlèvements
“Lorsque je suis née, on a dit à ma mère qu’on me plaçait en néonatologie pour ma santé mais, en fait, j’ai été kidnappée. On a fait croire à ma mère que j’étais morte. Séquestrée durant onze mois, j’ai ensuite été vendue sous couvert d’une adoption internationale.” Pendant des semaines, Coline échange avec cette famille retrouvée. En janvier 2018, avec le soutien de ses parents, “dévastés par ce qu’ils venaient d’apprendre”, Coline s’envole pour le Guatemala. “Les retrouvailles à l’aéroport ont été aussi belles que douloureuses. Des accolades, des pleurs, des rires, on était tous en état de choc”, se souvient-elle encore émue.
Son histoire n’est pas un cas isolé. Au Guatemala, jusqu’en 2008, “il n’y avait pas de contrôles, la responsabilité des procédures était laissée aux avocats et aux notaires”, expose la jeune femme qui a aujourd’hui 34 ans. Les adoptions, vers des pays comme la France ou la Belgique, se négociaient à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Alors, quand les orphelins venaient à manquer, certaines filières avaient recours à des enlèvements. Un business tentaculaire dont les profits alimentaient la mafia locale jusqu’à des hauts fonctionnaires d’Etat corrompus.
“Nous voulons que l’Europe reconnaisse ces faits. Pour que ça ne se reproduise plus”
Aujourd’hui, Mariela/Coline est en paix avec son passé et vit son présent comme “l’heureuse fille de quatre parents incroyables”. En 2017, elle a créé la fondation Racines Perdues, qui accompagne les victimes guatémaltèques d’adoptions illégales, recherche leurs familles et défend leur cause. “Nous voulons que l’Europe reconnaisse ces faits. Pour que ça ne se reproduise plus et pour défendre les victimes, dont certaines sont encore mineures”, conclut-elle.