Francis Imbard, 58 ans, a été assassiné le 26 février 2003 sur le pas de la porte de son appartement du XVI ème arrondissement de Paris. Dix-neuf ans après, retour sur cette mystérieuse affaire.
Dix-neuf ans se sont écoulés depuis le coup de feu qui a lancé l’enquête, mais l’affaire n’a pas encore fini de rebondir. En décembre 2021, la juge d’instruction parisienne Sabine Khéris a ordonné la mise en examen de Mohamed R. et Serge C., soupçonnés d’avoir joué un rôle dans l’assassinat de Francis Imbard, businessman de 58 ans, le 26 février 2003. Le premier est accusé d’avoir commandité le meurtre, le second de l’avoir facilité. Mais que s’est-il vraiment passé ce matin d’hiver 2003 ? Comment, après 19 ans, les deux hommes se sont-ils retrouvés au cœur de l’affaire du meurtre du patron de l’Enfer ? Gros plan sur cette affaire oubliée.
Paris, 26 février 2003. Au 5ème et dernier étage de l’immeuble du 50, rue Copernic, Francis Imbard, businessman de 58 ans, passe la porte de son appartement après un dernier au revoir à sa fille, Julie. Cette dernière, accompagnée de Malika, la femme de ménage, est alors interpellée par un bruit sourd. Dans le couloir, Francis Imbard vient d’être abattu d’une balle dans la tête. “Il m’a tendu la main, il a essayé de me parler mais il avait trop de sang dans la bouche pour s’exprimer”,racontera, plus tard, Julie, qui a vu son père s’éteindre devant ses yeux.
Un homme et une femme sans visage
Au 36, quai des Orfèvres, la brigade criminelle se saisit de l’enquête. Aucun des voisins ne fournit de témoignage exploitable, mais la gardienne de l’immeuble, elle, fait d’étonnantes confidences. Une quarantaine de minutes avant le tir, elle a constaté la présence d’un agent EDF dans la cour de l’immeuble. N’ayant pas été prévenue de sa venue, elle a contacté le syndicat de copropriétaires, qui lui a indiqué qu’aucun passage n’était prévu ce matin-là. Chose plus étrange encore, une femme s’est présentée à sa porte quelques minutes plus tard, expliquant être une représentante en parfum. Cette dernière s’est éclipsée précipitamment au moment du coup de feu. Les enquêteurs émettent alors l’hypothèse que la fausse représentante ait été là pour faire diversion, pendant que le faux agent EDF s’occupait d’Imbard. Malheureusement, la concierge de l’immeuble n’ayant vu que très peu les visages des deux suspects, elle est incapable de fournir un portrait-robot.
Plusieurs pistes sont alors explorées. Dans un premier temps, les enquêteurs se penchent sur la thèse du crime passionnel. Homme à femmes, Francis Imbard avait deux maîtresses : son avocate, avec qui il entretenait une relation relativement sérieuse, et Sueli, une employée d’origine brésilienne. Les enquêteurs se penchent notamment sur le profil de la première, celle-ci ayant fait preuve d’un comportement étrange suite à la mort d’Imbard. En apprenant le drame, l’avocate s’est empressée d’aller récupérer le carnet rouge que la victime avait sur lui, avant de se rendre dans un établissement bancaire pour vider un coffre-fort. Malheureusement, ces éléments ne permettent pas de l’inquiéter.
“Mon père était persuadé que s’il lui arrivait quelque chose, Momo serait impliqué “
Parallèlement, la piste du débiteur acculé est explorée, mais c’est finalement celle du règlement de comptes que privilégient les enquêteurs. Selon les proches de Francis Imbard, l’homme d’affaires, propriétaires de plusieurs discothèques parisiennes (dont le Red Light (ex-L’Enfer) et le Brasil Tropical) entretenait des relations tendues avec un ex-collaborateur du nom de Mohamed R. D’abord chef de la sécurité de L’Enfer, ce dernier est devenu associé d’Imbard avant que celui-ci ne décide de le licencier, le soupçonnant de se servir dans les caisses et de vouloir l’évincer. Peu après, le 14 juillet 2002, Francis Imbard avait été victime d’une grave agression dans son établissement, agression dont il avait toujours soupçonné R. d’être à l’origine.“Mon père était persuadé que Momo était derrière son agression et que s’il lui arrivait quelque chose, il serait impliqué”, confiait récemment Julie, la fille de l’homme d’affaires, au Parisien.
Néanmoins, la brigade criminelle du 36, quai des Orfèvres découvre que Mohamed R. se trouvait l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, direction le Brésil, au moment du meurtre d’Imbard. Cet alibi le disculpe donc du meurtre. Les enquêteurs constatent cependant qu’avant l’heure du meurtre, Mohamed R. a téléphoné plusieurs fois à un certain Serge C., donc le portable a justement borné près du 50, rue Copernic au moment du meurtre. De plus, témoin à l’appui, Mohamed R. a appris la mort d’Imbard à 11 h 30, moins d’une heure après le meurtre et bien avant que celui-ci ne soit annoncé dans les médias.
Se pourrait-il donc que Mohamed R. ait commandité le meurtre d’Imbard depuis l’aéroport, et que Serge C. ait été impliqué ? Curieusement, les deux hommes n’avaient jamais été inquiétés avant 2021, faute de preuves et en raison d’un vice de procédure en 2014. Malgré sa mise en examen, Mohamed R. nie à ce jour toute implication dans les faits du 26 février 2003. “J’ai tout fait pour montrer ma bonne foi et j’ai toujours été pointé du doigt et pour moi, c’est injuste. A qui profite le crime ? Ce n’est pas à moi car il (Francis Imbard, ndlr) m’a aidé à évoluer, m’a éduqué et enrichi et je n’avais aucun motif pour ce crime“, a-t-il déclaré lors de sa dernière audition.
Mohamed R. et Serge C. demeurent présumés innocents, et le meurtre de Francis Imbard reste, encore aujourd’hui, non élucidé.