L’émotion balayée par les récupérations politiques. A force d’invectives des partis d’extrême droite à l’encontre de la soi-disant inaction du gouvernement concernant l’immigration, l’émotion provoquée par le meurtre barbare de Lola a laissé la place au débat autour de l’immigration irrégulière et des procédures d’éloignement.Suspectée d’avoir tué l’adolescente de 12 ans, Dahbia B. a été mise en examen pour « meurtre » et « viol aggravé » puis écrouée lundi. L’Algérienne de 24 ans était visée par une obligatoire de quitter le territoire français, ou OQTF, depuis le 22 août. « Nous travaillons d’arrache-pied pour faire en sorte que les expulsions » soient « suivies d’effets », mais « nous devons évidemment faire mieux », a ainsi concédé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, après le Conseil des ministres, mercredi. Mais comment fonctionnent ces décisions d’éloignement ? Qui concernent-elles et comment sont-elles mises en pratique ?Qui est concerné par une obligatoire de quitter le territoire français ?Appelée dans le milieu judiciaire OQTF, cette procédure décidée par le préfet concerne des personnes en situation irrégulière sur le territoire (entrées illégalement ou dont le titre de séjour n’est plus valide) ou des personnes représentant « une menace pour l’ordre public et réside en France depuis moins de trois mois », explique le site du ministère de l’Intérieur.Dans le cas de Dahbia B., elle était entrée légalement en 2016 sur le territoire grâce à un visa étudiant, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Sans emploi, Dahbia B. a été interpellé le 21 août dernier par la PAF (la police des airs et des frontières), dans un aéroport français, pour défaut de titre de séjour. Une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous un délai de trente jours lui avait alors été délivrée automatiquement.Quelles différences entre des OQTF avec et sans délai de trente jours ?Ce délai de trente jours est le délai automatique pour toutes les personnes visées par cette procédure dans le cadre de ce que l’on appelle un « départ volontaire ». Elles peuvent alors quitter le territoire quand elles veulent durant ce délai. « La décision fixe également le pays où vous serez renvoyé si vous ne quittez pas volontairement la France dans le délai fixé », selon le ministère. Néanmoins, le préfet peut, dans certains cas, délivrer une OQTF sans déla. C’est alors une obligatoire de quitter le territoire immédiate. Ce n’était pas le cas pour Dahbia B. car « il n’y avait aucune raison qu’il en fut autrement, ce sont nos règles », a rappelé dans l’hémicycle le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti lundi. Depuis 2018, la suspecte n’était en effet connue des services de police qu’en tant que victimes de violences conjugales. Le délai de trente jours était néanmoins dépassé au moment des faits qui lui sont reprochés.Les obligations de quitter le territoire sans délai concernent ainsi les personnes qui représentent une menace pour l’ordre public, les personnes qui font « l’objet d’un refus de délivrance ou de renouvellement du titre de séjour pour fraude ou en raison du caractère manifestement infondé de la demande » ou les personnes qui risquent « de prendre la fuite », précise le ministère de l’Intérieur. Elles ont quarante-huit heures pour partir après la notification de la décision. Si vous n’appliquez pas la décision, vous êtes considéré en situation illégale.Dans quels cas une OQTF peut-elle être suspendue ?Toute décision prise par le préfet doit être motivée. C’est-à-dire qu’il doit donner des raisons à la délivrance de cette OQTF. Elle peut par ailleurs être contestée. La personne visée a la possibilité de faire un recours concernant le refus du titre de séjour, l’interdiction de retour en France qui peut figurer à l’OQTF ou encore la « décision fixant le pays de renvoi (par exemple, si vous estimez que vous courrez un risque dans ce pays) », explique le ministère de l’Intérieur.Ce recours suspend la décision. « A partir du moment où un recours est déposé devant le tribunal administratif, l’exécution de l’OQTF est suspendue jusqu’à ce que le tribunal rende sa décision. Si le tribunal administratif n’a pas rendu sa décision dans le délai de trente jours, l’OQTF est suspendue et la personne peut rester sur le territoire français le temps de son examen », explique ainsi l’avocat spécialisé dans le droit des étrangers, Nicolas De Sa-Pallix, contacté par 20 Minutes. Eric Dupond-Moretti a reconnu ne pas savoir « si un recours n’a pas été intenté » par l’avocat de la suspecte du meurtre de Lola.Par ailleurs, la personne visée par une OQTF peut demander l’aide juridictionnelle. Là encore, la décision prise par le préfet sera alors suspendue le temps qu’un avocat soit désigné, ajoute Nicolas De Sa-Pallix.Comment sont appliquées les OQTF ?Concrètement, ces obligations de quitter le territoire se font volontairement dans le délai imposé. Mais « en cas de contrôle d’identité, si les forces de l’ordre identifient une OQTF visant la personne contrôlée, elle sera alors placée en centre de rétention administrative », développe Me De Sa-Pallix. Et dans certaines conditions, plutôt exceptionnelles, les policiers peuvent se rendre au domicile de la personne qui sera ensuite placée en centre de rétention administrative, « mais cela concerne davantage les arrêtés d’expulsion ou lorsqu’il y a un risque pour la sûreté de l’Etat, précise l’avocat. Le plus souvent, ils reçoivent une notification par voie postale ». Il est bon à ce stade de rappeler que Dahbia B. était SDF.Notre dossier sur le meurtre de lolaCombien de ces notifications sont appliquées ? Un rapport du Sénat datant du 18 novembre 2021 pointait « la faiblesse chronique des taux d’exécution » des OQTF. S’il est difficile pour l’avocat de confirmer ou infirmer une hausse des OQTF prononcées, il remarque que « de plus en plus d’OQTF liées ou non à des refus de titre de séjour visent des personnes insérées qui n’auraient pas été visées il y a trois ou quatre ans. D’ailleurs, ces OQTF sont souvent annulées par la juridiction administrative ».Mais pour Nicolas De Sa-Pallix, ces chiffres ne sont de toute façon « pas complets » : « on compte les OQTF prononcées par celles qui ont été annulées par le juge ou abrogées par l’administration ». D’autant qu’il existe aussi des cas particuliers d’étrangers « ni, ni » à savoir des étrangers « ni régularisables, ni expulsables ». « Ils sont dans une zone grise car leur titre de séjour a pu être définitivement refusé mais ils ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d’origine faute de liaison aérienne ou au regard de la situation politique », illustre Me De Sa-Pallix. C’est le cas pour les étrangers originaires d’Afghanistan.JusticeMeurtre de Lola : Le débat dérape sur l’immigration irrégulière et l’accusation de « récupération »
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