Entre 1978 et 1991, Jeffrey Dahmer a assassiné dix-sept jeunes hommes âgés de 14 à 32 ans. Mais comment le cannibal de Milwaukee a-t-il pu échapper à la police pendant 13 ans ?
C’est l’un des tueurs en série les plus tristement célèbres de l’histoire. Entre 1978 et 1991, l’Américain Jeffrey Dahmer a tué, dépecé, violé et parfois dévoré dix-sept jeunes hommes âgés de 14 à 32 ans. Selon ses propres aveux, le jeune homme identifiait ses proies dans les bars gays, les attirait chez lui avec la promesse de quelques billets et les massacrait sans vergogne dans son appartement de Milwaukee. Tout cela sans ne jamais attirer l’attention de la police…
Pourtant, les signes étaient là. À plusieurs reprises, la voisine de Jeffrey Dahmer, Glenda Cleveland, a contacté les autorités pour leur faire part du comportement étrange de son voisin de palier. Elle a même signalé l’odeur cadavérique qui émanait de son appartement. Néanmoins, ses appels n’ont jamais été pris au sérieux. Par ailleurs, le parcours criminel de Jeffrey Dahmer n’a pas été sans erreur. Le 27 mai 1991, Konerak Sinthasomphone, 14 ans, est parvenu à s’échapper de son appartement après avoir été drogué à son insu. Trois jeunes femmes ont alors tenté de lui venir en aide, mais Dahmer a expliqué à la police que Konerak était son amant, et qu’il avait trop bu. Sous emprise, l’adolescent n’a pas réussi à plaider sa cause. Les policiers l’ont alors ramené chez son bourreau, permettant à Dahmer de finir son sinistre travail.
Face à ces constations, une question se pose : comment Jeffrey Dahmer a-t-il pu agir en toute impunité pendant 13 ans, après avoir pourtant déjà fait l’objet d’une condamnation pour agression sexuelle en 1988 ? Dans L’Heure du crime, l’ancien policier Stephane Bertomet donne un élément de réponse. Selon lui, les aprioris de l’époque sur l’homosexualité ont notamment permis à Dahmer d’échapper à la police. “D’une part, je pense qu’on a affaire à des patrouilleurs, qui ne sont pas policiers-enquêteurs. D’autre part, il faut se replacer dans les années 1990. De la part des policiers, il y a un certain laxisme et ce n’est pas une honte de le dire aujourd’hui, on le sait très bien : vis à vis des affaires qui touchaient le milieu homosexuel. Il y avait peu de sensibilité à ce type d’affaire et à ces victimes-là”, explique-t-il.
Par ailleurs, les policiers de l’époque auraient “manqué de flair” et de “sens policier“. “Il aurait suffit de taper le nom de Jeffrey Dahmer dans les fichiers pour se rendre compte qu’on avait affaire à quelqu’un qui avait un passé criminel“, s’insurge Stephane Bertomet. Notons enfin que le racisme de l’époque a sans douté joué un rôle dans l’impunité de Dahmer. Chaque fois que le tueur en série était soupçonné, sa parole était opposée à celle d’une personne de couleur. C’était notamment le cas de Glenda Cleveland, ou encore des bons samaritains ayant tenté de venir en aide au petit Konerak Sinthasomphone, toutes trois noires. Or, à l’époque, la parole d’une femme noire avait peu de valeur face à celle d’un homme blanc. Une bien triste vérité, sans laquelle bien des morts auraient peut-être pu êtres évitées…