Victime du syndrome du bébé secoué, Baptiste garde des séquelles à vie de cette maltraitance qui tue ou handicape plus de 400 bébés par an. L’Etat a lancé une campagne de sensibilisation à ce fléau.
“On n’aurait jamais cru que notre bébé pouvait être en danger chez sa nounou”, explique Elise. Avec Guillaume, son mari, ils avaient confiance en cette assistante maternelle agréée, chaleureuse au point d’offrir le café en fin de journée. “Quand elle m’a appelée au travail sans rien m’expliquer, se souvient Elise, j’ai foncé chez elle. Baptiste, 6 mois, était en arrêt cardiorespiratoire entre les mains des pompiers. Une fausse route, selon la nounou. Mais les médecins ont diagnostiqué des lésions cérébrales typiques du bébé secoué. Ils ont fait un signalement auprès du procureur de la République. Baptiste était encore dans le coma à l’hôpital. On a entendu sans entendre. Notre priorité, c’était que notre fils survive…”
Pendant une semaine, Baptiste reste dans le coma. Au fil des trois semaines d’hospitalisation, il recouvre lentement ses facultés, une à une, un processus aléatoire. “On ne savait même pas s’il marcherait et, au début, il était aveugle…”, tremble encore sa maman. En attendant, les parents obéissent aux ordres de ne plus communiquer avec la nounou, mais c’est difficile.
“Les responsables sont toujours une personne digne de confiance, qui minimise ou nie les violences”
“Guillaume et moi étions complètement dans le déni, on ne peut pas croire que c’est possible de faire du mal à un enfant… Et qu’on ne me parle pas d’un accès de colère ! Le syndrome du bébé secoué vient de gestes brutaux, répétés et volontaires. Le cerveau du bébé tape dans son crâne. Pour notre fils, les expertises ont révélé des lésions plus anciennes”, précise Elise.
La maman soutient aujourd’hui l’association Stop bébé secoué, et tient à partager ce conseil basique aux parents : “Quand un bébé pleure, on le pose en sécurité dans son lit et on part respirer dans la pièce d’à côté !” Baptiste sauvé, c’est l’épreuve judiciaire qui commence. “Nous avons trouvé la force de porter plainte en reprenant un peu nos esprits à la maison, un mois après les faits, en novembre 2012. Nous étions loin d’imaginer que le procès n’aurait lieu qu’en 2018 !”, raconte Elise, qui discute sur des forums avec des parents.
“La nounou n’a jamais reconnu les faits, même au procès, multipliant les contre-expertises…”
Elle découvre d’autres cas où la nounou est coupable mais, parfois, c’est l’un des parents, le père, le beau-père, ou même la mère. Toujours une personne digne de confiance, qui minimise ou nie les violences. “La nounou n’a jamais reconnu les faits, même au procès, multipliant les contre-expertises qui s’ajoutaient aux lenteurs de la justice, un long supplice”, soupire Elise.
Pendant ce temps-là, Elise enchaîne les consultations médicales pour Baptiste : orthoptiste, orthophoniste… Aujourd’hui, le petit garçon dynamique âgé de 10 ans et scolarisé en CM1 se bat comme un lion pour progresser doucement, mais il rencontre des problèmes de motricité fine à l’école, court “comme un robot” et souffre de strabisme, ce qui lui vaut une “Accompagnante des élèves en situation de handicap” (AESH) à l’école.
Elle a été condamnée à trois ans de prison avec sursis et une interdiction d’exercer à vie
Baptiste sait ce qui lui est arrivé. Il était déjà grand quand “la dame a été punie”, une étape importante pour toute la famille. Au procès, la nounou a fait profil bas, tout en niant. “Elle a été condamnée à trois ans de prison avec sursis, ce n’est jamais assez pour les victimes, et à l’interdiction d’exercer à vie, ma satisfaction. C’est tout de même moi qui ai dû intervenir après notre plainte pour qu’elle soit suspendue avant la tenue du procès ! Elle gardait encore des bébés !”, tempête Elise, qui s’est d’abord vu répondre que ce n’était pas jugé.
Par principe de précaution, elle a finalement été écoutée. Le couple n’a jamais recroisé cette femme : “On n’en a aucune envie ! On a mis quelques kilomètres entre elle et nous, et on se concentre aujourd’hui sur notre famille qui s’est agrandie.” Capucine, 6 ans, a été gardée dans une maison d’assistantes maternelles, avec trois nounous, loin de l’intimité d’un foyer que l’on n’imagine jamais dangereux.