Après dix ans d’enquête, le quadruple meurtre de Chevaline reste l’une des grandes énigmes criminelles françaises. Ligne rouge revient sur les pistes envisagées qui sont, pour l’heure, restées des impasses.
“Depuis 10 ans, il n’y a pas un jour où je n’y pense pas, ça ne me quitte pas.” Le 5 septembre 2012 reste ancré dans la mémoire de Zaïd al-Hilli. L’homme est toujours hanté par le mystère de la tuerie de Chevaline qui a emporté son frère Saad, un Britannique en vacances en Haute-Savoie avec sa famille.
Ce jour-là, sur les hauteurs du lac d’Annecy, Brett Martin, un promeneur anglais, aperçoit un vélo de course couché à terre, une BMW moteur en marche, et une petite fille en sang qui titube puis s’effondre.
Pensant d’abord à un accident de la route, il remarque ensuite dans la voiture “beaucoup de sang et des têtes trouées par des impacts de balles”. Apeuré, Brett Martin prend la fuite.
Dans sa course, il croise Philippe. “Il m’arrête, me dit de ne pas monter, qu’il y a eu un drame sur la route plus haut: des morts et une petite fille qui a survécu”, se souvient ce dernier, interrogé par BFMTV dans le cadre de l’enquête de Ligne rouge diffusée ce lundi soir.
“Je décide d’aller lui porter secours. Je m’approche d’elle, je lui prends le pouls… Pour moi, elle est morte, elle ne répond pas à mes appels, ni au fait que je la secoue.”
Il s’agit de Zainab, 7 ans, blessée à l’épaule par une balle puis assommée par l’agresseur. Elle survit finalement à l’attaque, tout comme sa petite sœur Zeena, 4 ans, qui échappe au tueur en se blottissant aux pieds de sa mère à l’arrière de la voiture. Autour des petites filles, quatre cadavres: Saad al-Hilli, un ingénieur de 50 ans, sa femme Iqbal, 47 ans, sa belle-mère Suhaila al-Allaf, 74 ans et Sylvain Mollier, un ouvrier de la région de 45 ans en balade à vélo.
Dix ans plus tard, leur bourreau n’est toujours pas identifié et son mobile reste mystérieux. Décrit par les enquêteurs comme un homme “aguerri”, “très expérimenté”, ou comme un “tueur à gages low-cost venu des Balkans”, le tueur a tiré 21 fois en quelques minutes. 17 balles ont atteint leur cible. L’arme, un Luger P06 de calibre 7,65 parabellum, un modèle ancien utilisé dans l’armée suisse, n’a jamais été retrouvée.
Ce massacre d’une “sauvagerie inouïe” a généré une enquête “particulièrement complexe”, comme l’avait exprimé le procureur de la République de l’époque, Éric Maillaud.
Au fil des années, plusieurs pistes ont été envisagées. Les enquêteurs ont d’abord soupçonné Zaïd al-Hilli, le frère de Saad, après avoir découvert une querelle dans la fratrie liée à l’héritage de leur père. Mais aucune preuve tangible n’a pu étayer cette piste.
“Ils m’ont accusé d’un crime dont je n’étais même pas au courant”, souffle le frère de la victime. “Je ne savais même pas que mon frère était en vacances en France…”
La thèse de l’espionnage industriel a également été explorée, Saad travaillant pour une entreprise anglaise spécialisée dans les satellites civils (météo, surveillance des cultures). Sans résultat.
Les hypothèses d’un tueur isolé agissant de son propre chef ou d’un tireur fou qui se serait posté sur la route isolée ont également été envisagées. Avec la possibilité que la cible principale ne soit pas la famille al-Hilli mais le cycliste retrouvé mort, Sylvain Mollier.
“Je pense que c’était lui la cible”, commente Zaïd al-Hilli. Mais là encore, aucune preuve ne valide cette théorie.
En février dernier, la procureure de la République d’Annecy, Line Bonnet, la troisième sur l’affaire, se disait toujours persuadée des chances d’aboutir “grâce aux preuves scientifiques”. Plusieurs suspects ont été placés en garde à vue, des centaines de témoins ont été entendus, des milliers de pièces étudiées, mais le dossier de 90 tomes semblent contenir plus de questions que de réponses.
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