Le procès de huit personnes soupçonnées d’avoir apporté une aide au terroriste qui a tué 86 personnes le 14 juillet 2016 à Nice s’ouvre ce lundi. Mais l’enquête n’a pas pu formellement démontrer qu’elles avaient connaissance du projet d’attentat.
“Un procès est aussi fait pour comprendre, y compris en l’absence de l’auteur principal, même si ce dernier va avoir certainement entraîné certains secrets.” Si le terroriste est mort, le procureur du parquet national antiterroriste (PNAT) réfute le terme de “seconds couteaux” pour évoquer les huit accusés qui vont comparaître à partir de ce lundi devant la cour d’assises spéciale à l’occasion du procès de l’attentat de Nice.
Le 14 juillet 2016, après plusieurs repérages, Mohamed Lahouaiej Bouhlel lançait un camion de 19 tonnes, loué trois jours plus tôt, sur la foule rassemblée sur la promenade des Anglais pour assister au feu d’artifice du 14-Juillet. 86 personnes sont mortes fauchées, parmi les victimes 15 enfants et adolescents. Plus de 400 ont été blessées. Le terroriste a lui été abattu par les tirs de la police.
En l’absence de l’auteur principal des faits, et en présence sur le banc des accusés de sept personnes – une étant jugée en son absence – dont l’enquête n’a pas pu formellement démontrer qu’elles avaient connaissance du projet d’attentat, que peut-on attendre de ce procès? “Mes clients attendent la vérité, elles attendent que la justice se prononce et elles attendent qu’une peine soit exprimée”, résume pour BFMTV.com Me Olivia Chalus-Pénochet, qui représente 45 parties civiles.
“Au terme de l’instruction, les juges ont renvoyé des personnes devant la cour d’assises avec des chefs d’accusation forts”, poursuit l’avocate. “C’est la démonstration que la théorie du loup solitaire n’a pas été retenue.”
Huit personnes sont en effet renvoyées devant cette cour d’assises spéciale pour association de malfaiteurs terroriste, pour trois d’entre eux, et pour des infractions de droit commun pour les autres. Elles sont soupçonnées de s’être associées à la recherche d’armes du terroriste Mohamed Lahouaiej Bouhlel, tout en étant conscientes de la radicalisation de ce dernier, ou d’avoir fourni ces armes, sans savoir qu’un projet criminel se préparait.
“C’est aussi le procès du terroriste et le procès de personnes qui faisaient partie de la nébuleuse”, estime Me Fabien Rajon, avocat de plus de 30 victimes. “Il a été démontré leur niveau d’implication, leur niveau de conscience ainsi que leur niveau de radicalisation.”
L’avocat pénaliste nuance toutefois les espoirs de ses clients. “La plupart des victimes restent prudentes quant à ce qu’il faut attendre de ce procès”, assure-t-il. En tout cas du point de vue de l’éclairage qu’il pourra apporter sur les zones d’ombre qui pèsent encore dans ce dossier.
Me Olivia Chalus-Pénochet le reconnaît, elle a dû “un peu bousculer” les victimes et les familles de victimes qu’elle représente pour les intéresser à un procès qui se tiendra à quelque 700 kilomètres du lieu de l’attentat. “Il a fallu avoir un travail pédagogique pour montrer quelle en était l’importance”, explique l’avocate qui a largement œuvré pour que les débats soient retransmis à Nice.
865 personnes se sont constituées parties civiles. Nombreuses sont celles qui ont prévu de témoigner à partir de la mi-septembre, soit devant la cour d’assises spéciale à Paris, soit depuis la salle de retransmission aménagée à Nice. “Ce témoignage peut avoir un effet apaisant”, estime Me Fabien Rajon. Un bénéfice observé pour les victimes des attentats du 13-Novembre qui ont été plus de 400 à s’exprimer devant la cour d’assises pour livrer leur récit des attentats de Saint-Denis et de Paris et les conséquences sur leur vie et celles de leurs proches.
“Les victimes veulent faire connaître ce qu’elles ont subi”, ajoute Me Olivia Chalus-Pénochet. “Elles sont aussi en recherche de reconnaissance.”
“L’histoire de ces victimes s’arrête à leur dépôt de plainte, après on ignore ce qui se passe pour elles. Ce sont des parcours accidentés, chaotiques, des ruptures, des déménagements, des fuites, une jeunesse sacrifiée, des traumatismes qu’on n’arrive pas à reconnaître.”
Les victimes ont aussi une attente et des questions concernant la sécurisation de l’événement, organisé à un moment où la France était frappée par la vague d’attentats la plus meurtrière de son histoire.
“La question de la sécurisation et des conditions d’organisation des festivités du 14-Juillet est une question récurrente chez les victimes”, précise Me Fabien Rajon. François Hollande et Bernard Cazeneuve, président de la République et ministre de l’Intérieur en 2016, sont appelés à témoigner devant la cour d’assises.
Mais ce ne sera pas l’objet de ce procès. En parallèle, une information judiciaire est toujours ouverte pour faire la lumière sur d’éventuelles failles dans le dispositif de sécurité pour accueillir les 30.000 spectateurs du feu d’artifice mis en place le soir de l’attentat.