Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonçait sur la foule réunie sur la promenade des Anglais à Nice au volant d’un camion de 19 tonnes loué quelques jours auparavant. Un attentat commis par un homme fasciné par la violence qui s’est radicalisé en quelques mois.
Le procès des attentats du 13-Novembre a examiné pendant près de dix mois la préparation minutieuse des kamikazes qui ont fait 130 morts en 2015. Celui de l’attentat de Nice reviendra sur le parcours atypique d’un terroriste fasciné par la violence, radicalisé en quelques mois et qui a préparé son acte quelques semaines seulement avant les faits.
Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, 31 ans, fonçait à bord d’un camion de 19 tonnes sur la foule réunie pour assister aux festivités de la Fête nationale sur la promenade des Anglais à Nice. 86 personnes ont été tuées, 400 autres blessées au cours de cet attentat revendiqué deux jours plus tard par le groupe État islamique.
À partir de ce lundi s’ouvre le procès de huit personnes accusées pour trois d’entre elles d’association de malfaiteurs terroriste, à savoir d’avoir favorisé ou aidé le terroriste à passer à l’acte.
Loup solitaire? Projet mûrement réfléchi? L’instruction qui a duré quatre ans a démontré que le Tunisien arrivé en France en 2006, après son mariage, a préparé son projet d’attentat plusieurs mois à l’avance.
Dans son téléphone portable, retrouvé dans l’habitacle du camion, des images des badauds sur la promenade des Anglais ont été découvertes: elles datait du 14 juillet 2015, soit un an avant son passage à l’acte. L’homme s’est aussi renseigné sur le captagon, une substance surnommée “la drogue des jihadistes”, ou sur des faits divers au cours desquels une foule était percutée par un véhicule.
Mohamed Lahouaiej Bouhlel était fasciné par la violence. Qualifié de “colérique” par son père, soumis à des accès de violence et d’agressivité, il était déjà connu de la justice pour des faits de menaces, de violences sur son épouse ou encore de dégradations.
En mars 2016, l’homme était d’ailleurs condamné pour “violence volontaire avec arme” et écopait de six mois de prison avec sursis. Son père l’a envoyé consulter un psychologue en 2004 pour calmer ces accès de colère, un médecin qui lui a prescrit des antipsychotiques et des anxiolytiques.
Mais quelques mois avant l’attentat, l’homme pouvait visionner en boucle des vidéos de décapitation. Sont découvertes dans ses supports numériques des photos d’accidents et des clichés en lien avec Daesh, comme une photo de Mokhtar Belmokhtar, premier chef d’Aqmi – al-Qaïda au Maghreb Islamique – ou de Salah Abdeslam, le terroriste du 13-Novembre.
À compter du 29 juin 2016, il réalisait des recherches quotidiennes sur l’islam, mais aussi sur les attaques terroristes comme celle de Magnanville, commise quelques jours plus tôt, sur les accidents de la route ou les morts violentes.
“La décision de commettre un attentat de grande ampleur en France, et plus particulièrement à Nice, a été longuement mûrie par Mohamed Lahouaiej Bouhlel”, estiment les juges dans leur ordonnance de mise en accusation.
De nombreux témoignages recueillis au cours de l’instruction auprès de la famille et des proches de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ont pourtant fait état du peu d’intérêt pour la religion de la part du terroriste.
Décrit comme “dragueur maladif”, “très lourd avec les femmes, pervers”, l’homme était aussi “obsédé par le sexe”. “Il mange du porc, boit de l’alcool (…) je ne l’ai jamais vu prier”, dira sa femme aux enquêteurs.
D’autres témoins ont toutefois évoqué une fascination de l’homme pour la violence et son changement de comportement dans les mois précédant les faits, révélant une radicalisation rapide. Soutenant ceux “qui commettaient des attentats”, Mohamed Lahouaiej Bouhlel s’était laissé pousser la barbe, il ne saluait plus les femmes.
“Il résulte de l’information judiciaire que Mohamed Lahouaiej Bouhlel, (…), a dans les mois précédant son acte, opéré un changement de comportement et d’apparence et manifesté un intérêt nouveau pour l’Islam, le conduisant à fréquenter la mosquée, à écouter des récitations du Coran, à se laisser pousser la barbe, à se montrer critique à l’égard des tenues vestimentaires portées par ses amis ou du fait qu’ils écoutent de la musique, à ne plus consommer d’alcool et à adopter une attitude plus distante à l’égard des femmes”, notent les juges.
Le 11 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel loue un camion de 19 tonnes dans une agence de location à Saint-Laurent-du-Var contactée une semaine aupravant. Entre cette date et la soirée macabre du 14 juillet 2016, le terroriste fait de multiples repérages notamment sur la promenade des Anglais. Il réalise 180 kilomètres en 4 jours dans la ville de Nice.
Finalement, à 22h33 le soir de l’attaque, il lance son camion sur la foule. Quatre minutes plus tard, il est abattu par des policiers. Entre temps, il a tué 86 personnes.
“Mohamed Lahouaiej Bouhlel a résolument cherché à faire le plus grand nombre de victimes, hommes, femmes, enfants, de multiples nationalités, et à ‘troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur'”, concluent les juges.
Pour la justice, il ne fait aucun doute que ce passage à l’acte répondait aux appels récurrents lancés par Daesh à ses soutiens pour qu’ils prennent les armes dans les pays occidentaux.