Dominik Moll met carte sur table dès le générique de La Nuit du 12, polar découvert hors compétition au Festival de Cannes. Pourtant, le spectateur ne connaîtra pas le fin mot de l’histoire d’une jeune femme brûlée vive dans la région de Grenoble. Une sale affaire inspirée d’un fait divers authentique va mettre en échec des policiers incarnés par Bouli Lanners et Bastien Bouillon, déjà remarquable en gendarme dans Seules les bêtes, précédent film du réalisateur.« J’étais fasciné par l’idée que des policiers puissent garder en mémoire une affaire qu’ils n’ont pas résolue et qui va les hanter durant toute leur carrière », explique Dominik Moll à 20 Minutes. Le spectateur partage immédiatement la passion et la frustration de ses héros pour une enquête où les suspects abondent sans qu’aucun puisse être mis en cause.Un jugement moral sur la victimeDominik Moll a inscrit son récit dans un réalisme glaçant en s’appuyant sur un des cas évoqués par Pauline Guéna, dans son livre 18.3 – une année à la PJ, publié en 2021 chez Gallimard. « J’ai été marqué par le destin d’une fille de 22 ans dont on n’a jamais pu expliquer qui l’avait tuée, ni pourquoi, insiste le cinéaste. C’était aussi une façon de parler du rapport que les hommes ont face aux violences que subissent les femmes. » Cet aspect du récit prend une dimension poignante quand la meilleure amie de la victime, en larmes, reproche aux enquêteurs de porter un jugement moral sur la vie privée de cette dernière plutôt que de retrouver qui l’a tuée.Plus que les rouages des investigations, ce sont les personnalités des policiers sur lesquelles le réalisateur centre son récit et cela le rend passionnant. Le « vieux de la vieille » qui a tout vu et le débutant encore idéaliste se heurtent à de détails aussi triviaux qu’une photocopieuse capricieuse qui mettent leurs nerfs à rude épreuve. Proches plus ou moins louches de la jeune fille et parents désespérés sont aussi très bien définis avec la collaboration du coscénariste Gilles Marchand à qui on doit notamment l’excellente série documentaire Grégory. View this post on Instagram A post shared by Caroline Vié (@caroklouk2)
Le fait que les enquêtes sur des crimes commis contre les femmes soient souvent confiées à des hommes est souligné par l’un des personnages du film. « La virilité et la façon dont elle est perçue font partie des thèmes que j’ai voulu explorer, précise Dominik Moll. Cette histoire d’hommes est aussi centrée sur leur rapport aux femmes. » La Nuit du 12 restera comme l’une des dates les plus marquantes vécues sur la Croisette en 2022.Cinéma« L’Ombre d’un mensonge » : Bouli Lanners est timide, mais il ne se soigne pasCinéma« Seules les bêtes »: Dominik Moll adapte Colin Niel en un polar glaçant