« Gros stock de mortier en préparation pour le 14 juillet ! ». Sur « Mortier_45 », « Mortier31 » ou « Artifice698 », des boucles de conversation de la messagerie cryptée Télégram, il est possible, pour quelques centaines d’euros, de s’offrir une boîte de plusieurs dizaines de mortiers d’artifice.Pas besoin d’avoir infiltré un réseau du Darknet ou d’être entré en contact avec un membre du grand banditisme, un smartphone suffit. « En deux ou trois clics sur un téléphone, vous pouvez vous faire livrer des mortiers d’artifice directement chez vous, explique Jérôme Jimenez, responsable de la communication à l’Unsa Police Ile-de-France. Avec les réseaux sociaux, c’est devenu très facile de s’en procurer ».Des ventes sur le modèle d’« Ubershit »Pétards, fumigènes, feux d’artifice ou mortiers d’artifice… Il ne nous a fallu que quelques secondes pour trouver sur Télégram une conversation de vente d’engins pyrotechniques. Si l’utilisation des trois premiers est autorisée pour les personnes majeures, le mortier d’artifice – qu’il ne faut pas confondre avec le mortier, utilisé par l’armée pour lancer des obus –, lui, est formellement interdit à l’achat, la vente ou à l’utilisation aux non-professionnels de la pyrotechnie. Et pour cause, ce dispositif – un cylindre, en carton, en plastique ou en métal, permettant de tirer à plusieurs dizaines de mètres – peut être extrêmement dangereux s’il n’est pas manipulé par un artificier.S’inspirant du modèle d’« Ubershit », la vente de drogue sur les réseaux sociaux comme Télégram, WhatsApp ou Snapchat, les vendeurs de mortiers d’artifice proposent sur ces boucles « une livraison discrète en main propre » ou « par La Poste ». « Comme ils ne peuvent pas les acheter dans des magasins de pyrotechnie, ils le font à l’étranger via Internet et vendent sur Télégram et sur Snapchat. Ça nous oblige à une vigilance large et à des contrôles ciblés lorsqu’ils parviennent à passer entre les mailles du filet », reconnaît un porte-parole de la direction générale de la police nationale (DGPN).Et pour convaincre les potentiels acheteurs, les vendeurs n’hésitent pas à partager des vidéos de tirs contre des voitures de police. « Il y a presque une starification des attaques contre les forces de l’ordre ou les commissariats, c’est ce que cherchent les vendeurs », s’inquiète Jérôme Jimenez.Une arme contre les forces de l’ordreLongtemps utilisés par les jeunes pour « célébrer » le 14-Juillet et la Saint-Sylvestre ou pour s’affronter entre bandes rivales, les mortiers d’artifice ont vu leur utilisation détournée ces dernières années : certains en ont fait leur arme principale contre les forces de l’ordre. « Les tirs de mortiers le 14-Juillet ou le 31 décembre, ça a toujours existé. Maintenant, le problème, c’est qu’on y est confrontés tous les jours et sur tout le territoire, il n’y a pas d’exception », confirme Thierry Clair, secrétaire général adjoint du syndicat UNSA-Police.Et ces offres spéciales « fête nationale » inquiètent les autorités. « Le 14-Juillet, on sait que ça va être une nuit particulièrement difficile », ajoute Jérôme Jimenez. « Ils se servent de l’excuse d’un moment festif pour utiliser des mortiers d’artifice, notamment contre nous », ajoute le policier. En octobre 2020, les images impressionnantes de l’attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) avaient suscité l’indignation des forces de l’ordre et des politiques. Pas plus tard que la semaine dernière, ce même commissariat a de nouveau été la cible de tirs de mortiers « par une quarantaine de personnes encagoulées », d’après plusieurs sources, ont rapporté nos confrères du Parisien.La législation renforcéeBrûlures, acouphènes, blessures, pertes de certains membres… Que ce soit du côté des victimes ou des tireurs, les séquelles peuvent être gravissimes. « Les gens oublient souvent qu’un tir de mortier d’artifice, ce n’est pas anodin, ça peut blesser, voire tuer », met en garde Jérôme Jimenez. En 2021, un jeune homme est mort, « la tête arrachée » en manipulant en Alsace, à l’occasion du réveillon du Jour de l’An. « Ils nous arrivent d’interpeller des personnes pour possession de mortiers avec un ou deux doigts en moins », poursuit le policier.Pour tenter d’endiguer le phénomène, la réglementation a été renforcée en 2021 par la loi dite de « sécurité globale ». Désormais, l’achat, la détention, l’utilisation et la vente de mortiers d’artifice à des non-professionnels sont punis par des peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende. Et les peines peuvent être doublées si l’achat ou la vente se fait sur Internet.Craignant de nouveaux drames, les forces de l’ordre ont donc renforcé leur vigilance à la veille des festivités du 14-Juillet, notamment en « repérant les lieux de stockage de ces matériels » et en menant « des contrôles inopinés ». Et certaines préfectures, comme celles du Var, de l’Aisne ou de l’Indre, ont déjà pris des arrêtés pour interdire tout engin pyrotechnique pour les festivités.SociétéBrest : Pas de transport en commun après l’attaque d’un tramway par des tirs de mortiersA Strasbourg, la police saisit 776 mortiers après un banal contrôle routier