Les plaidoiries de la défense se terminent ce vendredi avec celle des avocats de Salah Abdeslam. Avant eux, plusieurs conseils ont réclamé des acquittements pour les autres accusés.
Le procès des attentats du 13-Novembre touche à sa fin. Après neuf mois de débats, la cour d’assises spécialement composée va se retirer. Avant cela, elle entendra la plaidoirie des avocats de Salah Abdeslam, Mes Olivia Ronen et Martin Vettes, qui vont prendre la parole ce vendredi. Les deux conseils du seul accusé jugé comme “co-auteur” des attaques sont les derniers à plaider alors que la peine la plus lourde du code pénal – la réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté incompressible – a été requise à son encontre.
Avant eux, les avocats des 13 accusés qui comparaissent aux côtés de Salah Abdeslam ont défendu ces hommes contre lesquels ont été requis entre 5 ans de prison et la perpétuité. D’un côté, certains avocats ont plaidé le droit, de l’autre, ils ont rappelé le contexte géopolitique.
Mohamed Abrini faisait partie de la cellule terroriste. Il était là pendant la préparation, il a fait partie du “convoi de la mort”, il était dans les planques d’Alfortville et de Bobigny avec les commandos des attentats. Mais il a renoncé le 12 novembre au soir, dit-il, reprenant la route direction Bruxelles. Pour ces faits, le parquet national antiterroriste a requis à son encontre la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de période de sûreté.
Pour sa défense, il ne fait aucun doute que Mohamed Abrini, ami d’enfance de Salah Abdeslam et Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des attentats, sera condamné pour ce qu’il a fait, mais elle réclame “une peine juste”. ” Le 13-Novembre, il ne tuera personne”, a rappelé Me Marie Violleau, rappelant que son client a basculé à la mort de son petit frère partie en Syrie. S’il sait que quelque chose de grave se prépare, ses avocats reviennent sur le fait que Mohamed Abrini ne connaissait pas les cibles, comme il l’a répété à l’audience. Appelant à ne pas céder à “l’esprit de vengeance”, sa défense a plaidé pour 30 ans de réclusion criminelle.
Cinq ans de prison ont été requis à l’encontre d’Ali Oulkadi, qui a reconnu avoir aidé Salah Abdeslam à son retour de Paris au lendemain des attentats, sans dit-il savoir son implication dans les attaques. Le parquet national antiterroriste n’a pas prononcé de mandat de dépôt à son encontre. C’est la peine la moins lourde qui a été requise.
Mes Marie Dosé et Judith Lévy ont été les premières à prendre la parole côté défense. D’emblée, elles disent avoir été “naïves” pensant que le PNAT abandonnerait toutes les poursuites à l’encontre de leur client jugé pour association de malfaiteurs terroristes et regrette le manque d'”individualisation” des peines. La défense de ce père de famille de trois enfants martèle qu’à aucun moment, Ali Oulkadi, proche de Brahim Abdeslam, a eu conscience d’être en relation avec une entreprise terroriste et que le fait de fréquenter un bar ne permet de qualifier une infraction.
“Ce que la justice française a mis des mois à comprendre, lui, il devait l’avoir compris. Il aurait dû voir qu’une cellule était en train de se construire devant ses yeux”, ont déploré Mes Dosé et Lévy.
Six ans de prison ont été requis à l’encontre d’Hamza Attou. Le maximum pour “recel de terroriste en relation avec une entreprise terroriste” contre celui qui est venu chercher Salah Abdeslam à Paris le 14 novembre 2015.
Pour sa défense, ces réquisitions sont davantage “vengeresses que justes”, assurant là-aussi que son client, jeune, addict au cannabis et à l’alcool, peu éduqué, aurait dû percevoir la radicalisation de ses amis quand “des professionnels mettent des années à le percevoir”.
Abdellah Chouaa est celui qui redoute le plus ce verdict. Ce père de famille de 41 ans n’a passé que trois mois en détention provisoire alors que six ans de prison ont été requis à son encontre. Il lui est reproché d’avoir accompagné Mohammed Abrini, figure-clé de la cellule terroriste, à l’aéroport sachant qu’il se rendait en Syrie et est allé le chercher à son retour.
Les avocats généraux ont proposé “un voyage en absurdie”, selon la défense d’Abdellah Chouaa. Pour ses avocats, leur client n’a pas pu voir la radicalisation de Mohamed Abrini qui pratiquait la taqîya, la stratégie de dissimulation mise en place par Daesh. Blayant tous les éléments à charge contre Abdellah Chouaa, Me Adrien Sorrentino réclame l’acquittement au bénéfice du doute pour celui qui n’a pas eu la perception d’aider une cellule terroriste. Sans perception, il n’y a pas d’infraction, a plaidé l’avocat.
Mohammed Amri est lui aussi poursuivi pour avoir été cherché Salah Abdeslam à Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, en compagnie d’Hamza Attou. Huit ans ont été requis à son encontre par le PNAT alors qu’il est également accusé d’avoir aidé la cellule terroriste en louant l’un des véhicules utilisé par les jihadistes lors des attaques.
Pour ses avocats, Mes Negar Haeri et Xavier Nogueras, Mohammed Amri a “rendu service” comme il en avait “l’habitude”. Le Belgo-marocain de 33 ans avait-il conscience de la radicalisation des frères Abdeslam? “Et quand bien même il aurait eu connaissance de leur radicalisation” et d’une “entente de malfaiteurs”, avait-il lui-même “la volonté d’y participer”? La défense touche là du doigt la définition de l’association de malfaiteurs terroristes. Un débat juridique que devra trancher la cour.
Ils ont été qualifiés d'”opérationnels contrariés” par l’accusation qui a requis 20 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Muhammad Usman et Adel Haddadi. Le parquet considère que le Pakistanais et l’Algérien aurait dû participer aux attaques s’ils n’avaient pas été interpellés en Grèce.
Leur défense reconnaît que les deux hommes ont bien rejoint la Syrie et les rangs de Daesh. Mais ils n’étaient pas prévus pour participer aux attentats du 13-Novembre, plaident les avocats, démontant le “mythe du 4e commando”. Ils en veulent la preuve par le périple des deux jihadistes depuis la Syrie. Arrivés en Grèce le 3 octobre 2015, ils ont été arrêtés puis relâchés avant de mettre 17 jours pour atteindre l’Autriche. “On ne peut pas dire qu’ils étaient pressés, c’est un rythme d’escargot. On a davantage vu La septième compagnie qu’un groupe mu par un instinct criminel”, a osé l’avocat de Mohammed Usman, Me Edward Huylebrouck.
Farid Kharkhach a fourni des fausses pièces d’identité qui ont été utilisées par la cellule jihadiste. Poursuivi pour “association de malfaiteurs terroristes”, il a été requis à son encontre six ans de prison.
Ses avocats ont évoqué de lui un “second couteau” et appelé à “replacer le curseur de la juste qualification et de la juste peine”. Lui n’a pas “accepté de dîner avec le diable”, insistent ses avocates. Farid Kharkhach a reconnu avoir “fait le con pour quelques centaines d’euros”, niant avoir perçu la radicalisation de Khalid El-Bakraoui, qui a participé aux attentats de Bruxelles, à qui il avait remis quatre fausses cartes, selon l’accusation. “Pourquoi maintenir ce costume trop grand pour lui ? a questionné Me Fanny Vial, appelant les juges à requalifier les faits.
Ali El Haddad Asufi est accusé d’avoir recherché des armes aux Pays-Bas pour le compte de la cellule terroriste. Il est également accusé d’avoir loué un studio, qui a servi d’appartement conspirationniste. L’accusation a requis à l’encontre de ce Belgo-marocain de 37 ans 16 ans de réclusion criminelle.
Pour sa défense, le volet armes est l’und es plus faibles de l’accusation alors qu’il n’a pu être déterminé la provenance des six Kalachnikovs utilisées par les terroristes du 13-Novembre. “Si on retire les armes, qu’est-ce qui fait encore le lien” entre Ali El Haddad Asufi et les attentats, a questionné Me Martin Méchin, alors que son client a toujours assuré s’être rendu à Rotterdam pour récupérer de la drogue. Ali El Haddad Asufi, “petit mec de Bruxelles, vendeur de shit”, avait loué un studio pour Ibrahim El Bakraoui, mort dans les attentats de Bruxelles. “Ibrahim le terroriste qui aura utilisé son ami jusqu’aux attentats et encore après, sans vergogne”, a plaidé l’avocat rappelant que le terroriste avait assuré être recherché à cause d’un braquage.
Osama Krayem est jugé pour “complicité” dans les attentats du 13-Novembre. l’accusation a requis la réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté de 30 ans à l’encontre de ce Suédois de 29 ans, combattant de l’Etat islamique identifié dans une vidéo d’exécution.
Pour ses avocates, Osama Krayem n’aurait pas dû être jugé dans ce procès. Il était “destiné à un autre projet qui, dans l’hypothèse où il existait, ne s’est d’ailleurs pas réalisé”, note Me Gisèle Stuyck, qui estime qu’on ne peut condamner un homme qui ne se trouvait pas sur le territoire où se sont produits les attentats. “Il n’était pas prévu pour Paris”, a résumé son autre avocate Me Margaux Durand-Poincloux.
Yassine Atar était-il présent aux “dates-clé” de préparation des attentats du 13-Novembre? Pour l’accusation, il ne fait aucun doute et a requis à l’encontre du Belge de 35 ans une peine de neuf ans d’emprisonnement avec deux tiers de sûreté.
Pour sa défense, Yassine Atar paie ses liens familiaux, lui qui est le cadet d’Oussama Atar, jugé en son absence, et accusé d’avoir recruté les kamikazes du 13-Novembre. “Quand on ne sait pas ce qu’a fait Yassine Atar, on vous demande de l’imaginer. Quand on ne sait rien, on imagine le pire”, sa culpabilité, déplore Me Raphaël Kempf, pour qui “un tel raisonnement” est “contraire au droit”. “Ne regardez pas le frère, le cousin” mais l’homme qui a toujours plaidé son innocence, a martelé Me Christian Saint-Palais, son autre avocat, plaidant l’acquittement.
Mohammed Bakkali est considéré comme une “cheville ouvrillière” dans la préparation des attentats du 13-Novembre. L’accusation considère qu’il a convoyé des membres de la cellule jihadiste et qu’il a loué planques et voitures pour eux en Belgique. La réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans, a été requise à l’encontre du Belgo-marocain qualifié de “pièce-maîtresse” de la logistique.
Me Orly Rezlan a eu la dure tâche de prendre la parole alors que son client garde le silence depuis de long mois, estimant que sa “parole n’a pas de valeur”. Elle dénonce une “peine d’élimination”, elle reconnaître que certes son client est “un maillon” mais “un maillon qu’on peut remplacer”. “Au nom de l’émotion suscitée par ces crimes”, elle appelle à ne pas condamner “à égal l’assassin, le complice des actes préparatoires, le loueur de voitures et de maisons”.
Sofien Ayari est également soupçonné d’avoir comme projet de commettre un attentat à l’aéroport d’Amsterdam le soir du 13 novembre 2015 avec Osama Krayem. Pour se projet “empêché”, il a été requis la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 30 ans.
Sofien Ayari a reconnu à l’audience avoir fait un “choix politique” en rejoignant l’Etat islamique. Depuis février, il a gardé le silence. Pour sa défense, aucun élément ne prouve qu’il a aidé à préparer les attentats de Paris et de de Saint-Denis. “Vous ne retiendrez pas la complicité car on ne peut pas retenir le vide”, insiste Me Ilyacine Maallaoui. L’avocat rappelle que “certains ne sont pas morts car ils ont refusé”.