Emmanuel Abayisenga, qui s’est accusé d’avoir tué un prêtre lundi, un an après avoir avoué l’incendie de la cathédrale de Nantes, est un Rwandais de 40 ans arrivé illégalement en France en 2012 et décrit comme instable psychologiquement.
Dans la communauté des Fromentains de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée, où la mort du supérieur provincial Olivier Maire a été vécue comme un « choc », certains décrivaient Emmanuel Abayisenga comme une personne discrète.
« Emmanuel ne faisait rien de particulier. Il mangeait et participait à l’eucharistie. Il entendait mal », en raison de problèmes d’audition, a expliqué le père Jean-Baptiste Dombélé. « Il n’y avait pas de problème. Il ne parlait pas de la cathédrale. C’est Olivier qui était le plus proche de lui, qui s’occupait de lui pour tout ».
De son enfance au Rwanda, la journaliste de La Croix Héloïse de Neuville a livré quelques enseignements au micro de France Inter mardi, avec un père qui a été exécuté sommairement pour avoir participé au génocide des Tutsis et un oncle purgeant une peine de prison à vie.
Emmanuel Abayisenga, né le 1er janvier 1981, « a grandi dans cette extrême violence là, lui n’a que 13 ans à ce moment là mais il évolue dans ce contexte extrêmement dégradé avec une famille impliquée du mauvais côté de l’Histoire génocidaire », explique-t-elle, précisant qu’il était ensuite entré dans la police rwandaise.
Arrivé en Loire-Atlantique en 2012, Emmanuel Abayisenga, qui fait partie d’une fratrie de douze enfants au sein d’une famille catholique très pieuse, ne fréquente guère la diaspora rwandaise mais participe à la vie de la communauté catholique nantaise, selon la même source.
Ainsi, en 2016, il fait partie d’une délégation de Nantais se rendant à Rome à l’occasion du jubilé de personnes socialement exclues et rencontre le pape François, comme le montre un cliché diffusé par La Croix.
Son parcours administratif motivé par le souhait de devenir réfugié politique est jalonné d’échecs. « Le ministère de l’Intérieur et l’Ofpra ont refusé sa demande d’asile », a confié Gérald Darmanin venu lundi à Saint-Laurent-sur-Sèvre. « Cette personne a fait l’objet de trois arrêtés de reconduite à la frontière depuis son arrivée sur le territoire national illégalement en 2012 », a expliqué le ministre de l’Intérieur.
Sa troisième obligation de quitter le territoire français (OQTF), de novembre 2019, qui fait toujours l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Nantes, est non exécutable en raison de son contrôle judiciaire après sa mise en cause dans l’incendie de la cathédrale.
Car à l’été 2020, Emmanuel Abayisenga, bénévole au sein de la paroisse, avait été arrêté pour l’incendie qui avait gravement endommagé l’édifice, notamment le grand orgue. Il avait avoué les faits et, été mis en examen pour « destructions et dégradations par incendie », puis placé en détention provisoire le 20 juillet 2020.
Des aveux qui avaient surpris au sein de la communauté catholique nantaise où ce servant d’autel apparaissait comme un homme de confiance, calme et courtois. Mais perturbé par sa situation administrative dans l’impasse, comme il le décrivait dans un courriel envoyé à des membres de la communauté catholique avant son geste.
A la fin de sa détention provisoire le 31 mai, il avait été placé sous contrôle judiciaire, avec obligation de résidence au sein de la communauté religieuse vendéenne, selon le parquet de La-Roche-Sur-Yon.
Mais le 20 juin, la gendarmerie avait été sollicitée par le père Olivier Maire car le suspect « voulait quitter son hébergement ». Il avait alors été hospitalisé en psychiatrie, avant de revenir dans la communauté une dizaine de jours avant le drame, selon la même source.
Lundi, Mgr François Jacolin, évêque de Luçon, a demandé de ne pas polémiquer alors que le cas d’Emmanuel Abayisenga défraie la chronique sur les réseaux sociaux et est devenu un sujet inflammable politiquement à moins d’un an de la présidentielle.
« C’est difficilement concevable, mais c’était un homme dans une grande détresse psychologique », a expliqué Mgr Jacolin. « Nous prions pour tout le monde. Nous prions aussi pour celui qui a fait ce geste ».