Un trentenaire a été mis en examen à Douai pour le meurtre de sa compagne, qui avait déjà porté plainte et avait été vue portant un hématome par la police peu avant le drame, une affaire qui relance le débat sur le traitement des violences conjugales.
Aurélie L., 33 ans, a été retrouvée dénudée et couverte d’ecchymoses peu avant 05H00 lundi à Douai, dans le Nord, au domicile de Karim B.A., où elle était « régulièrement hébergée ». Son décès a été constaté par les secours, alertés par un passant appelé à l’aide par le mis en cause, selon le parquet de Douai.
Au vu de « nombreuses traces de sang » dans l’appartement, et sur lui, son « concubin » est placé en garde à vue. Mardi soir, il a été mis en examen pour « homicide sur conjoint » et placé en détention provisoire, a annoncé mercredi le procureur, Frédéric Teillet, lors d’une conférence de presse.
D’après le légiste, le corps de la victime présentait notamment « un traumatisme crânien sévère avec probable usage d’une arme contondante ».
Selon proches et voisins, le couple entretenait des « relations instables », « dépendants l’un et l’autre de l’alcool ». Au moment du drame, le mis en cause portait un bracelet électronique, en peine aménagée après une condamnation en 2019 pour récidive de vol aggravé.
Le suspect a « contesté avoir commis toute violence », affirmant que « sous l’effet de l’alcool » sa compagne était « entrée en crise de violence contre elle-même (…) se tapant la tête et l’ensemble du corps sur tout support », selon lui « pour se blesser et rejoindre son père décédé ».
L’homme affirme « avoir tenté de l’en empêcher », a raconté M. Teillet.
Le soir du drame, des policiers étaient intervenus vers 18H30 au domicile pour « un différend de voisinage ». Présente « parmi les témoins » et visiblement alcoolisée, la jeune femme arborait un hématome à l’œil, mais auprès des agents, avait « contesté avoir été victime de violences » et « refusé toute assistance », a retracé M. Teillet.
Avec 12 condamnations, entre 2004 et 2019 notamment pour « vols, outrages, dégradations, menaces et violences », son compagnon avait été poursuivi fin 2018, notamment pour des violences à son encontre.
Il avait été relaxé, sa compagne étant revenue sur ses accusations. Elle avait ensuite déposé deux plaintes pour des « menaces de mort », la dernière le 5 mai.
La première, en octobre 2019, a été « classée sans suite » notamment parce qu’elle n’avait pas répondu aux convocations des enquêteurs et qu’un proche « a attesté (.) de son alcoolisme, qui la rendait violente envers Karim B.A », a expliqué M. Teillet.
Elle n’avait pas non plus répondu aux convocations des enquêteurs après la seconde.
L’enquête « se poursuit » et « des investigations débutent sur les conditions d’intervention de la police et de la justice », a dit M. Teillet.
« Je ne peux pas vous dire que tout a été aujourd’hui parfaitement géré (…) nous en sommes au début (…) mais je ne vois pas à l’heure actuelle de problème dans la gestion de ces plaintes », a-t-il affirmé.
La « prise en compte de la parole d’Aurélie L. a été rendue très complexe par son attitude, qui était de régulièrement ne pas répondre aux sollicitations de la police (.) ni même de l’association » d’aide aux victimes saisie de son cas, a-t-il observé.
Cette association avait tenté d’intervenir, dans le cadre d’un dispositif « systématisé » à Douai de traitement proactif des violences conjugales. Mais elle « n’a pas pu l’aider à en dire davantage », a insisté le magistrat.
Pour la famille de la victime, Me Damien Legrand a déploré auprès de l’AFP que, lors de sa première intervention, la police, « qui savait qu’elle avait récemment déposé plainte » n’ait pas reconduit la victime chez elle au vu de son état.
« Le caractère atypique de ce dossier c’est bien que la police intervient et constate des blessures mais repart ensuite sans rien faire », a-t-il relevé, rappelant qu’il « est très fréquent qu’une femme victime de violences n’arrive pas à en parler et dise +il n’y a pas de problème+ ».