L’État français a été condamné aujourd’hui à Paris à verser 15 000 euros de dommages et intérêts pour “faute lourde” à la sœur d’une femme décédée en 2017 dans l’Oise, après la destruction des scellés du dossier judiciaire.
Déplorant un “préjudice irréparable”, Sylvaine Grévin avait assigné l’Etat après avoir découvert que la “quasi-totalité” des scellés avaient été détruits dans l’enquête sur la mort de sa soeur.
Bénédicte Belair avait été retrouvée sans vie le 4 avril 2017 à son domicile de Pont-Sainte-Maxence. Quatre mois plus tard, l’enquête avait été classée sans suite.
Persuadés qu’il s’agit d’un féminicide perpétré par l’ancien compagnon de Bénédicte Belair, ses proches avaient porté plainte avec constitution de partie civile afin qu’une instruction soit ouverte, demandant à la juge de procéder à de nouvelles analyses.
Ils avaient alors appris, début 2020, que les prélèvements réalisés au domicile et sur le corps de la défunte avaient été détruits en octobre 2018.
Après une audience en avril, la tribunal a donné gain de cause à Sylvaine Grévin, soulignant qu’une partie des scellés avaient été détruits par les gendarmes “sur autorisation du procureur de la République de Senlis”, alors qu’il “ne pouvait donner une telle autorisation, qui relevait du juge d’instruction.”
Dans un courrier versé au dossier, le procureur avait déclaré ne pas avoir été informé qu’une instruction était en cours au moment où il avait donné son feu vert.
Le tribunal a aussi rappelé que les gendarmes avaient détruit deux autres scellés “sans qu’il soit justifié d’une quelconque autorisation en ce sens émanant de l’autorité judiciaire”.
“Les conséquences (…) sur les chances d’établir les circonstances exactes du décès de Bénédicte Belair demeurent incertaines à ce stade, dès lors que l’information judiciaire est en cours”, selon la décision.
“Toutefois, indépendamment du résultat de cette procédure pénale, il est indéniable que cet événement a perturbé les recherches des causes du décès et l’instruction pénale, et par là prolongé l’incertitude sur la réalité des faits”, poursuit la décision.
Le tribunal a octroyé 15 000 euros ainsi que 3 000 euros au titre des frais de justice à Sylvaine Grévin, qui demandait 200 000 euros.
“C’est une victoire dans le combat de Sylvaine Grévin qui dénonce depuis plusieurs années les carences de l’Etat dans la recherche de la vérité sur les circonstances de la mort de sa soeur”, a réagi son avocat, Me Olivier Morice.
“On est en droit de s’interroger sur l’opportunité de maintenir cette information judiciaire à Senlis”, a ajouté Me Morice, qui a demandé, sans succès, le dépaysement de l’affaire.