De quoi est mort Arthur Noyer une nuit d’avril 2017 ? Les expertises médico-légales examinées jeudi après-midi par la cour d’assises de Chambéry n’ont apporté aucune certitude, car « compatibles » avec la version des faits défendue par Nordahl Lelandais.
« On n’a rien qui nous permette de déterminer de quoi est mort Arthur Noyer », a résumé la procureure générale Thérèse Brunisso en se tournant vers les experts, qui opinent. « En réalité, toutes les causes du décès sont possibles », a-t-elle ajouté au quatrième jour du procès pour meurtre de Nordahl Lelandais, qui avance la thèse d’une rixe ayant mal tourné.
Les experts entendus se sont basés sur l’étude du crâne d’Arthur Noyer, découvert en septembre 2017 dans la forêt du col de Marocaz, sur les hauteurs de Chambéry, et d’autres ossements retrouvés en janvier 2018, neuf mois après les faits.
En début d’après-midi, via visioconférence, une médecin légiste de Marseille missionnée pour l’observation minutieuse du crâne a confirmé que les fractures observées au niveau du nez et de la mâchoire gauche avaient eu lieu « peri-mortem », soit juste avant ou juste après la mort du caporal, sans pouvoir se prononcer dans un sens ou un autre.
Les deux autres experts, l’un à la barre et l’autre en visioconférence depuis la Guyane, n’ont pas pu se prononcer définitivement sur les causes de la mort d’Arthur Noyer en raison de la quasi-absence de tissus mous parmi les restes.
Sur les bancs des parties civiles, les grands-parents Noyer s’étaient temporairement retirés, le père et le frère d’Arthur regardaient seuls ces photos de squelette. La mère a le plus souvent le regard baissé.
Ils quitteront à nouveau la salle pour le visionnage de la reconstitution des faits, réalisée le 21 mars 2019. Dans quatre courtes vidéos, Nordahl Lelandais, regard hagard, barbe fournie et charlotte de cuisine sur la tête, donne quelques violents coups de poing au niveau de la tête à un mannequin tenu par les gendarmes.
Ces coups sont « compatibles » avec l’étude des restes du caporal, explique depuis Cayenne le médecin légiste Michel Mazevet, ajoutant que, dans cette hypothèse de la rixe, un décès par un traumatisme du rachis cervical – au niveau du cou – est la plus probable.
Pour cet expert, l’état d’ébriété d’Arthur Noyer, tel qu’attesté par les caméras de vidéo-surveillance, rend cependant « peu compatibles » – mais pas impossibles – les coups qu’il aurait portés contre Nordahl Lelandais, qui assure avoir été frappé à deux reprises.
Il estime également que, ivre, le maintien debout de la victime est « peu compatible » avec les coups portés par Nordahl Lelandais.
Pendant ces discussions d’expertises au langage technique souvent abscons, Nordahl Lelandais, depuis son box, semble attentif. Il ne prend pas la parole.
Jeudi matin, Farid, un ancien voisin de cellule, avait assuré à la barre que l’accusé lui a raconté avoir frappé la victime avec une pierre après s’être vu refuser une faveur sexuelle. Des mots qui ont tellement varié au cours de l’instruction que toutes les parties, de l’accusation aux parties civiles, les considèrent comme non probants.
A sa suite, la dernière compagne de Nordahl Lelandais était entendue. « Bien sûr qu’il a des qualités. C’est pour ça que j’étais très amoureuse de lui », a-t-elle raconté.
Elle a décrit l’accusé comme « doux, affectueux, jamais violent physiquement » mais pouvant l’être « verbalement ». « Très demandeur » en matière sexuelle, il serait doté d’un « fort caractère », avec « côté manipulateur » et capable de passer facilement « du calme à l’énervement ».
« Je pense que ça vous a fait souffrir d’entendre qu’il était traité de +monstre+ », s’est avancé Me Alain Jakubowicz pour la défense. La jeune femme acquiesce : « ce n’est pas l’homme que j’ai connu. Je ne me serais pas doutée qu’il pouvait tuer quelqu’un ».