Alors que le variant de Manaus tendrait à circuler de plus en plus en Guyane, l’heure n’est pas à l’inquiétude chez les habitants de cette localité de l’Oyapock, aux portes du Brésil. La campagne vaccinale y connaît une dynamique qui tranche avec celles des autres communes guyanaises. À gauche, Saint-Georges de l’Oyapock. De l’autre côté du fleuve, le Brésil. © Marion Briswalter. Saint-Georges (Guyane).– Assise à la terrasse de sa case, et regardant le vaet- vient devant la boulangerie, Artémise, Créole de 90ans élégamment vêtue d’une robe à fleurs, n’ira pas se faire vacciner, car «ça [lui] fait peur».
Devant l’une des écoles de ce bourg de 4300habitants, la réticence est formulée de la même manière par certains parents d’élèves venus chercher leurs enfants à pied, à vélo ou en voiture pour la pause du déjeuner. Aucun confinement diurne ni fermeture d’établissements scolaires n’ont été annoncés jusqu’à présent mais les voyants ont commencé à virer au rouge, avec une «dégradation rapide» de la situation si l’on en croit les autorités sanitaires locales, qui estiment que la couverture vaccinale à 5% sur l’ensemble du territoire est insuffisante. « Pour l’instant, je suis cette vaccination de très très loin, mais je reste informée, explique une mère de famille de Saint- Georges. À cause du P1 [variant dit de Manaus – ndlr], j’ai redoublé ma vigilance. Je garde bien mes distances. On se lave encore plus les mains. On fait attention aux personnes fragiles de la famille. Je ne pense pas que le vaccin soit la seule solution pour se protéger.» « À Saint-Georges, toutes communautés confondues, on relativise beaucoup», commente une ancienne professeure des écoles, questionnée sur la menace que fait planer la dissémination du P1.
Sur le terrain appartenant au cacique Emmanuel Guillémo, du quartier palikur Espérance, les maisons en brique, bois et tôle des trois générations de la famille sont agencées au pied des palmiers wassaï, faisant ainsi cohabiter une vingtaine de personnes. Le chef coutumier a bientôt rendez-vous pour la deuxième dose. Des plus jeunes de la famille sont au contraire très rétifs. «Les gens ont peur du vaccin», explique sa petite-fille, qui avait été diagnostiquée au Covid il y a plusieurs mois alors qu’elle était tout juste enceinte et qui refuse d’être vaccinée. « J’ai cru mourir, c’était plus douloureux que le paludisme», témoigne alors une cousine qui au contraire a décidé de prendre rendez-vous. Elle le pourra, car Saint-Georges et l’Est guyanais plus généralement sont, à notre connaissance, les seuls territoires de France où les bien portants peuvent être vaccinés contre le Covid-19 dès 18ans. Ailleurs en Guyane, le seuil d’accès au Pfizer, seul vaccin administré, a été fixé à 30ans.