La main en visière, notre Premier ministre s’identifie à la « Statue » de Baudelaire : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes. » Rien ne bouge. On s’enfonce. La mer est calme. Bayrou est de bonne humeur. Il prend son temps. On pense au président Mac Mahon qui, contemplant les inondations dans les rues de Toulouse, laissa échapper un mot pour l’Histoire : « Que d’eau ! Que d’eau ! » Et le préfet qui l’accompagne de renchérir : « Et encore, Monsieur le Président, vous n’en voyez que le dessus ! » On dirait du Darmanin sur les supporters anglais ! Aujourd’hui, on pourrait décliner : « Que d’eau tiède ! Que d’eau tiède ! »
Comme un blessé au bord de la route qui perd son sang, la France a perdu la maîtrise de son destin. Nous glissons le long de trois spirales mortifères : d’abord celle de notre démographie. S’il est vrai que l’enfant est la ligne de flottaison d’une société, alors nous sommes sous la ligne de flottaison. Notre vieux pays a délégué aux populations immigrées la fabrication d’enfants. Le taux de fécondité différentiel s’accroît dangereusement. Notre avenir appartient à d’autres.
La deuxième spirale, c’est celle de nos finances publiques. Le déficit budgétaire est une béance. Les prélèvements nous plombent, la dette flambe. Et nous avons un ministre de l’Économie qui enfile des perles : « Les entreprises devront accepter d’être moins rentables ! » Inénarrable !
« Une société où on ne débat plus que de l’âge de la retraite et du suicide assisté tend vers la fin »
Enfin, la spirale de la désocialisation. Nous vivons sous le signe de la déliaison. Notre École s’affaisse ; on vient d’apprendre que le recrutement des enseignants connaît cette année une chute vertigineuse. La nouvelle ministre, Élisabeth Borne, a rejeté ce qu’elle a appelé une « École passéiste et conservatrice ». Elle prépare l’avènement du Cancre universel.
Quant à l’insécurité, elle galope, la peur gagne jusqu’aux infirmiers, pharmaciens, médecins qui se sont mis en grève cette semaine, symboliquement, pour protester contre les agressions. Il n’y a plus de mœurs, alors on fait des lois. Il n’y a plus de voisinages, alors on fabrique des « solitaires-solidaires », de moins en moins solidaires, de plus en plus solitaires. On fait du social avec du mental. Il n’y a plus de mystique commune.
La suite après cette publicité
Je suis hanté par la complainte d’Agrippa d’Aubigné ; il a si bien décrit, en son temps, les affres de la guerre civile et peint la France sous les traits d’une mère affligée, qui s’adresse à ses fils : « Vous avez, félons, ensanglanté le sein qui vous nourrit et qui vous a portés. Or, vivez de venin, sanglante géniture, je n’ai plus que du sang pour votre nourriture. »
La macronie, mâtinée de bayrourie, abîme la France. Elle abîme l’État. La parole de la puissance publique n’est plus que vanité : les « obligations de quitter le territoire » n’ont plus d’obligation que le nom. Comment obéir encore à un État verbeux, aux décisions inopérantes ? Comment garder l’estime pour une justice régalienne qui renonce à la sanction pour le refus d’obtempérer et qui renverse le « monopole de la violence légitime » détenu par les forces de l’ordre ?
La macronie abîme la nation. On est prêt à envoyer les enfants de France faire la guerre pour la nation ukrainienne. Mais la nation française est délaissée. La souveraineté s’en va par morceaux, elle glisse vers l’Europe de la gouverneur von der Leyen. Le Mercosur a été signé sans nous. L’identité française se trouble, on nous annonce un débat sur ce qu’elle signifie aujourd’hui. Nous ne savons plus qui nous sommes… On nous parle de la « menace russe » pour ne pas parler de la menace islamiste.
Enfin, la macronie abîme la société, elle déchire le tissu social. L’écologie carcérale et l’hubris sociétale nous imposent l’apartheid dans les villes et la fin du serment d’Hippocrate, avec une double loi à venir, l’une qui soigne, l’autre qui tue. Une société où on ne débat plus que de l’âge de la retraite et du suicide assisté tend vers la fin. À Matignon, on prend des airs printaniers mais, comme on dit chez moi, « ça sent le sapin ».
Source : Lire Plus