Vincent Hervouët décrypte l’illusion européenne face aux paix injustes en Arménie et en Ukraine
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Vincent Hervouët
19/03/2025 à 08:57

Devant la trêve que tente d’imposer aux forceps Donald Trump aux Russes et aux Ukrainiens, l’Europe fait la fine bouche quand elle n’est pas indignée. Pourquoi cesser si tôt le combat ? Comment justifier tant de complaisance envers le Kremlin ? N’est-ce pas encourager l’agresseur ? Après avoir cru faire la guerre sans avoir à la livrer, l’Europe voudrait la paix sans renoncer à la justice. L’Europe a oublié que l’histoire est tragique. L’actualité vient pourtant de lui rappeler que la guerre est une épouvante, la défaite cruelle, la paix négociée forcément amère.
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Le coup de grâce
À la veille du week-end, l’Azerbaïdjan puis l’Arménie ont annoncé un accord de paix. Pour mettre fin à un conflit de plus de trente ans. Ils avaient convenu de publier un communiqué commun. Bakou a brûlé la politesse à Erevan et ce couac diplomatique prouve que la réconciliation entre les deux peuples va prendre encore quelques siècles. Mais l’accord sur lequel travaillaient des négociateurs depuis des mois est prêt à être signé. Reste à s’entendre sur le lieu et la date de la cérémonie.
L’après-guerre est simple quand il y a un vainqueur et un vaincu. Dans le cas du Haut-Karabakh, il y a eu deux guerres à trente ans d’intervalle. La première gagnée par les Arméniens. En prenant le contrôle de ces montagnes enclavées dans le territoire de l’Azerbaïdjan, ils avaient récupéré le berceau de leur nation. La seconde guerre a été la revanche de l’Azerbaïdjan. Puissamment épaulée par la Turquie, surarmée grâce aux pétrodollars et mobilisant des mercenaires islamistes, l’armée azerbaïdjanaise a écrasé à plate couture la sécession. C’était il y a trois ans. Moscou a imposé un cessez-le-feu et suspendu la débâcle. Le coup de grâce est venu à l’automne 2023, avec une offensive éclair et le nettoyage ethnique le plus rapide de l’histoire contemporaine : en trois jours, 110 000 habitants du Karabakh ont fui la montagne à laquelle ils s’accrochaient depuis 2 000 ans.
Finir seuls au monde
La première nation chrétienne de l’histoire a été rayée de la carte. Les églises sont fermées. Les villages ont changé de nom. Les chefs de la province ont été jetés aux oubliettes. L’Arménie ne s’en est pas remise. Elle mesure sa solitude. Les Russes l’ont laissée se noyer : ils ont besoin de l’Azerbaïdjan pour contourner les sanctions occidentales. L’Europe a besoin de gaz depuis la rupture avec le Kremlin. Ursula von der Leyen s’est rendue à Bakou pour lécher les brodequins du président Aliyev dont la famille règne sur l’émirat depuis plus de cinquante ans. Sur place, la présidente de la Commission a loué un « partenaire stable et durable » ! Les Arméniens ont compris : les vaincus finissent seuls au monde.
Le traité que le Premier ministre va signer lui impose de changer sa constitution. De gommer les références au Haut-Karabakh et au génocide, ce qui révolte la diaspora. D’abandonner toute souveraineté sur un corridor que l’Azerbaïdjan va tailler dans le sud de l’Arménie pour rallier son enclave du Nakhitchevan. Il espère ainsi que son puissant voisin renonce à annexer le sud de l’Arménie pour faire la jonction avec son alliée, la Turquie. Ce n’est pas la paix des Braves mais une paix tellement injuste qu’on est gêné d’entendre le chœur des Européens qui s’en félicitent. En Arménie comme en Ukraine, il y a des héros vaincus, des politiciens douteux et des voisins envahissants avec lesquels il faut composer quand on ne s’en fait pas respecter. Dans un cas, l’Europe s’y résigne trop facilement. Dans l’autre, elle se rebiffe trop bruyamment. Dans les deux cas, elle vit d’illusions.

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