Souvenez-vous… Il y a cinq ans à peine, Emmanuel Macron proclamait le début de la « guerre sanitaire ». Un cauchemar pour les citoyens, privés de leur liberté de circuler, pour les hôpitaux, débordés, et pour l’économie, durement freinée. Mais une aubaine pour certaines entreprises. Avec la crise sanitaire, la demande en masques explose. Afin d’y répondre, et faire oublier son manque de préparation, le gouvernement met la main à la poche pour les soutenir.
« Notre priorité aujourd’hui est de produire davantage en France et de produire davantage en Europe », annonce Emmanuel Macron le 31 mars 2020. « Partout où nous avons des sites de production français, il s’agit de monter en volume, d’embaucher, de pousser davantage nos capacités et de créer aussi de nouvelles capacités de production. » En visite dans l’usine de production de masques chirurgicaux et FFP2 Kolmi-Hopen, renommée Medicom, le président amorce sa politique du « quoi qu’il en coûte ». De 350 000 masques produits quotidiennement avant la crise, l’entreprise passe vaillamment à plus de 3,5 millions de pièces chaque jour, avant d’être, comme tant d’autres, rattrapée par le retour à la normale. Après deux ans d’activité, le groupe se résout, en septembre 2022, à fermer son deuxième site, ouvert en plein pic de coronavirus. Si la fin de la pandémie n’a pas signé celle de Medicom, qui existait bien avant la crise, pour les entreprises qui se sont lancées en 2020, c’est une autre histoire.
L’usine de production de masques Klap France, installée à Ploufragan (Côtes-d’Armor), est en redressement judiciaire depuis mars 2024. La faute, en partie, à la Chine, qui inonde le marché français à des « prix qui défient toute concurrence », selon Nicolas Bougault, responsable du site près de Saint-Brieuc, contacté par le JDD. « En 2020, on était tous d’accord pour dire qu’il fallait arrêter le business avec la Chine, se souvient-il. Mais chassez le naturel, il revient au galop. »
À quelques dizaines de kilomètres de là, les locaux de la Coop des Masques sont aujourd’hui vides. Un investissement de 5,6 millions d’euros, dont 300 000 par la Région Bretagne, 50 000 par le Département des Côtes-d’Armor et autant par Guingamp-Paimpol Agglomération, d’après Ouest-France, pour seulement deux ans d’activité. La coopérative bretonne, ouverte en juillet 2020, employait 13 salariés avant sa liquidation judiciaire.
« 100 % des entreprises qui se sont lancées en 2020 regrettent »
En septembre 2020, l’usine Respire+ voyait le jour en Guadeloupe, portée par l’urgence sanitaire et une ambition : produire localement des masques chirurgicaux pour ne plus dépendre des importations. Là aussi, l’élan de patriotisme économique est de courte durée. Dotée de machines flambant neuves et soutenue par 450 000 euros de fonds publics, elle est finalement bradée aux enchères en avril 2023 pour 20 000 euros. Sur la trentaine de sites industriels qui fabriquaient des masques pendant la crise sanitaire, deux tiers ont disparu. « Je pense que 100 % des entreprises qui se sont lancées en 2020 regrettent », souffle Christian Curel, président du syndicat des fabricants de masques français.
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D’autant que l’avenir du stock stratégique de masques, pensé pour éviter une nouvelle catastrophe sanitaire et qui a permis de compenser – en partie – la chute de la commande publique avec la fin de la pandémie, semble incertain… Si l’État s’est engagé à maintenir une réserve d’1,3 milliard de masques chirurgicaux d’ici 2028, Santé Publique France a annulé un contrat auprès de fabricants français début janvier, sans raison apparente.
« C’est environ 20 % des commandes du stock stratégique 2025 qui se trouvent suspendues », s’inquiète Manon Bouquin, députée RN de l’Hérault, dans un courrier adressé au ministre de la Santé que le JDD a pu consulter. Selon elle, ce revirement menace « la sécurité sanitaire du pays » et « la pérennité des entreprises attributaires du lot », qui se trouvent brusquement amputées d’un important chiffre d’affaires. En octobre 2023, la justice administrative a confirmé, en appel, la responsabilité de l’État dans la constitution d’un stock insuffisant de masques avant l’épidémie de Covid-19. Une leçon déjà oubliée ?
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