Ambiance polar américain des années 1990 : deux hommes patientent dans une voiture garée au fond d’une ruelle de Philadelphie. Ils discutent de tout et de rien, tuant le temps avant l’assaut. Affublés de leurs tenues frappées du sigle de la DEA (l’agence fédérale de lutte contre les stupéfiants), ils s’élancent. L’opération est rodée : irruption dans une planque, mise au sol des occupants, saisie des drogues et des liasses de billets. Tout semble sous contrôle. Sauf que ces hommes ne sont pas des policiers, mais des escrocs à la petite semaine ! Des faux flics qui, en profitant du chaos du trafic de drogue, montent ces arnaques bien lucratives.
Leurs combines fonctionnent à plein régime jusqu’au jour où un cambriolage tourne à la boucherie. Sans le savoir, nos Pieds nickelés viennent de braquer une maison appartenant au plus grand cartel de la côte est. La machine infernale est lancée. Traqués par les véritables agents fédéraux autant que par les hommes du réseau mafieux, ils n’ont plus qu’une issue possible : fuir !
Une liberté d’adaptation
Adapté du roman éponyme de Dennis Tafoya, publié en 2009, Dope Thief (littéralement « voleur de drogue ») puise dans une réalité troublante. « Quand j’ai parlé à l’auteur, il m’a confié s’être inspiré d’un article paru en 2004 qui relatait l’histoire de types réalisant exactement ce genre d’arnaques avant de finir derrière les barreaux. Il s’en est servi pour raconter l’histoire de ces deux gars qui pensaient pouvoir exploiter ce système indéfiniment », explique Peter Craig, scénariste et showrunner de la série. Un nom qui pèse dans l’industrie : à son actif, les scénarios de The Batman, Top Gun : Maverick et Gladiator 2. Pour la série, il revendique une liberté d’adaptation assumée. « J’ai conservé le début du livre comme point de départ, mais j’ai ensuite exploré de nouveaux personnages et développé des intrigues inédites : la seconde moitié du roman est très introspective, et je voulais au contraire prolonger la tension de la première partie tout au long des épisodes. »
La signature de Ridley Scott
Si l’action est omniprésente, Dope Thief ne sacrifie pas pour autant la profondeur de ses personnages. La série tisse habilement leurs trajectoires, dévoilant leurs failles à travers des flash-back minutieusement distillés. Parmi eux, Ray, incarné par Brian Tyree Henry (Spider-Man : New Generation, Bullet Train), lutte contre un alcoolisme dévorant, un poison qui affecte chaque décision, chaque faux pas. Un portrait brut, magistralement interprété.
L’atmosphère est sombre autant que glaciale, mais jamais glauque. Une tension permanente plane sur ces huit épisodes qui portent, en filigrane, la signature de Ridley Scott. À la production certes, mais aussi à la réalisation de plusieurs épisodes. Une implication totale, nourrie d’une collaboration complice avec Peter Craig. « Ce qui m’a frappé chez Ridley, c’est son amour du tournage. Il s’amuse réellement à chaque instant, et ça se ressent dans son travail. Comme tous les grands réalisateurs, il a un côté dictateur bienveillant, mais au final, nous sommes devenus amis », confie le scénariste.
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À l’écran, la présence de Wagner Moura, transfuge de Narcos, rend l’ensemble encore plus réaliste. « Il a été fantastique, s’enthousiasme Peter Craig. Il est arrivé avec son coach car jongler entre plusieurs langues est un défi pour lui. Mais il apprend à une vitesse folle. Il est incroyablement intelligent et instinctif. Le soir, il m’appelait depuis son hôtel pour discuter de l’évolution de son personnage, voulant comprendre chaque nuance de ses émotions. Pour un scénariste, c’est un cadeau inestimable. »
Au-delà de son intrigue haletante, Dope Thief offre une vision brute et réaliste du narcotrafic américain. Un monde où la violence est un langage, où les alliances sont fragiles, où chaque rue peut devenir une tombe. Une série percutante, portée par un casting d’exception, qui s’impose comme une pépite du genre.
Dope Thief ★★★, de Peter Craig, avec Wagner Moura, Brian Tyree Henry, Ving Rhames. Huit épisodes de 50 minutes. Disponible.
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