
On aimerait bien être une petite souris grecque, histoire de se faufiler dans le luxueux complexe hôtelier de Costa Navarino qui accueillera ces prochains jours (du 19 au 21 mars) la 144e session du Comité international olympique (CIO). Bâti au bord de la mer Ionienne dans le Péloponnèse, à une centaine de kilomètres au sud de la mythique Olympie, ce vaste « resort » abrite un centre de conférences. C’est précisément dans ce bâtiment moderne, loin des regards, que sera désigné vendredi le successeur de Thomas Bach, qui ne peut plus se représenter après avoir exercé deux mandats.
Publicité
La suite après cette publicité
Afin de garantir le secret des suffrages, les règles sont formelles. Le huis clos est imposé et aucun appareil électronique n’est autorisé. La centaine de membres du CIO ayant le droit de vote devra ainsi remettre son téléphone portable avant d’entrer dans le centre de conférences où des tours de scrutin seront organisés jusqu’à ce qu’un candidat soit élu à la majorité absolue. À chaque round nécessaire, le prétendant récoltant le moins de voix sera éliminé. Lors de sa première élection en 2013, Thomas Bach, opposé à cinq adversaires (dont l’Ukrainien Sergueï Bubka) avait gagné dès le deuxième tour. Il est vrai que l’Allemand, champion olympique 1976 en fleuret par équipes, préparait sa candidature de longue date et apparaissait comme le grand favori.
Cette fois, le scrutin semble indécis entre David Lappartient, l’Anglais Sebastian Coe, l’Espagnol Juan Antonio Samaranch Junior, la Zimbabwéenne Kirsty Coventry et dans une moindre mesure le prince Fayçal ben al Hussein de Jordanie, le Suédois Johan Eliasch et le Japonais Morinari Watanabe. Le Français, actuel président du Comité national olympique et de l’Union cycliste internationale, appartient à la catégorie des « serial-winners », habitué à remporter toutes les élections auxquelles il se présente. Le Morbihannais de 51 ans, qui nous avait accordé un entretien exclusif la semaine dernière, maîtrise parfaitement les codes de l’indispensable lobbying, parle la non moins indispensable langue de Shakespeare et surfe, comme le rappelle au JDD l’historien du sport Éric Monnin*, sur une dynamique francophile « entre les Jeux révolutionnaires de Paris et l’attribution de ceux d’hiver de 2030 dans les Alpes ». Dans les instances du CIO, après le retour annoncé de Tony Estanguet, la France va compter cinq membres actifs (Estanguet, Lappartient, Guy Drut, Martin Fourcade et Jean-Christophe Rolland, sans oublier Jean-Claude Killy membre honoraire). Ce qui en fait la nation la plus représentée devant les États-Unis et la Grande-Bretagne.
En face, Sebastian Coe, 68 ans, est sans doute la personnalité la plus connue du grand public : double champion olympique du 1 500 mètres (1980 et 1984), ancien député conservateur, « chairman » du comité d’organisation des Jeux de Londres en 2012, il est le président de la puissante Fédération internationale d’athlétisme depuis 2015. À 65 ans, Juan Antonio Samaranch Junior bénéficie, lui, de l’héritage politique de son père, qui dirigea le CIO durant vingt ans. Le Catalan connaît par cœur le fonctionnement de l’institution dont le siège est à Lausanne. Kirsty Coventry coche elle aussi de nombreuses cases malgré sa jeunesse (41 ans). Nageuse de grand talent (titrée sur 200 mètres dos à Athènes 2004 et Pékin 2008), ministre des Sports de son pays depuis 2018, elle représente l’Afrique et est la seule femme candidate. En fin connaisseur des arcanes de l’olympisme, Éric Monnin prévient : « Rien n’est écrit. Je crois que nous n’avons jamais eu un scrutin aussi ouvert que celui-ci. »
* Vice-président de l’Université de Franche-Comté, Éric Monnin dirige le Centre d’études et de recherches olympiques universitaires et siège à la commission « Éducation » du CIO.
Source : Lire Plus