À première vue, c’est un choc de Ligue 1 entre le leader et son dauphin. Mais depuis son époustouflante qualification pour les quarts de finale de la Ligue des champions mardi soir à Anfield Road, saluée à juste titre par toute l’Europe et par Luis Fernandez, le fossé sportif s’est encore creusé entre le PSG et l’OM, qui débarque au Parc des Princes avec 16 points de retard et une peur bleue (et blanche) de prendre une « rouste » monumentale. Terriblement déséquilibré depuis l’arrivée du Qatar en 2011 (trois victoires marseillaises contre vingt-cinq pour les Parisiens), le « Classique » du foot français né à l’époque Tapie-Denisot demeure néanmoins un réservoir inépuisable d’histoires méconnues ou oubliées…
Mercredi 17 mai 1972, un autre siècle. Le Conseil de Paris pense avoir scellé l’avenir du pourtant tout jeune Paris Saint-Germain Football Club en conditionnant la poursuite de sa subvention à l’effacement de la mention « Saint-Germain », « trop banlieusarde ». Or le Stade sangermanois a joué un rôle clé dans la création du PSG deux ans plus tôt, lui fournissant son numéro d’affiliation. La veille du match, au terme d’un vote historique, les adhérents refusent et actent le schisme : le PSG continuera d’exister mais repartira de la troisième division avec une équipe amateur tandis que le Paris FC prendra sa suite sous cette appellation dans l’élite professionnelle. C’est dans ce contexte ubuesque que les Marseillais de Josip Skoblar, qui dominent le football national, débarquent pour le tout premier PSG-OM dans la capitale. Enfin, presque : le Parc des Princes n’étant pas encore inauguré, c’est au stade Yves-du-Manoir de Colombes que va se dérouler la rencontre devant plus de 15 000 spectateurs. Mal classés, les coéquipiers de Jean Djorkaeff s’inclinent avec les honneurs (1-2) et laissent filer l’OM vers son deuxième titre d’affilée.
Après les premiers matchs, le PSG doit redémarrer en D3
Vous pensiez que l’animosité entre les deux clubs avait débuté au tournant des années 1990 ? Dans les tribunes, en fin de match, on entend des « Bastia ! Bastia ! L’OM c’est des tocards ! » Loin de la vulgarité actuelle, on en convient, mais quand même. Deux semaines plus tard, dans un Parc des Princes flambant neuf, les Marseillais remporteront la Coupe de France contre les Corses (2-1), bouclant leur premier doublé. Quant au PSG, il devra attendre 1974 pour remonter en D1 (qu’il n’a plus jamais quittée depuis), croisant l’éphémère Paris FC, occupant originel de l’enceinte de la porte d’Auteuil.
L’entraîneur du PSG reçu « en héros » à Marseille
Quatorze ans plus tard, en 1986, c’est le PSG qui est sur le point de conquérir sa première couronne de champion de France et l’OM qui se traîne. Mais l’atmosphère est encore loin d’être nauséabonde. Pour leur déplacement à Marseille, les Parisiens empruntent les lignes commerciales d’Air Inter, au milieu des passagers lambda. Le président Francis Borelli en profite pour aller embrasser sa maman qui habite la cité phocéenne et révèle qu’elle « met toujours un cierge pour l’OM à l’église ».
Pendant ce temps, au siège du Provençal, on prépare la venue d’un invité de prestige : Gérard Houllier, entraîneur du PSG, bombardé rédacteur en chef insolite du supplément sportif hebdomadaire. Jean-Louis Levreau, alors directeur des sports du quotidien marseillais (il est décédé en 2016), nous avait raconté* que le futur sélectionneur des Bleus « avait été reçu en héros par les employés de l’atelier qui avaient allumé des bougies et mis des photos partout. Ils étaient pourtant tous de fervents supporters de l’OM… On aurait fait ça trois ou quatre ans plus tard, l’entraîneur du PSG aurait été coupé en deux dans les rotatives ».
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Tapie quitte le Parc… déguisé en technicien
Le 18 décembre 1992 marque l’apogée d’une rivalité devenue malsaine. Au terme d’un match d’une rare violence, l’OM l’emporte 1-0 à Paris. Joueurs, dirigeants, public, tout le monde perd la raison ce soir-là. Bernard Tapie, qui a surmotivé ses joueurs, n’en mène pas large. Affirmant être physiquement en danger, le président olympien trouve refuge au parking dans… la voiture de RTL. « Il est là, allongé à l’arrière, un casque sur les oreilles histoire de se faire passer pour un technicien, nous confiera Guy Kédia, chef des sports de la radio (également décédé en 2016). Il me dit : ‘‘Vite, sors-moi de là, ils vont me tuer !’’ On se met en route, lui toujours caché, hurlant d’aller plus vite. » Celui qui deviendra ministre de la Ville huit jours plus tard se fait déposer devant un restaurant près des Champs-Élysées. « Il voulait tout simplement que je l’emmène à son dîner ! Arrivé là-bas, il s’en va, l’air de rien, en disant juste : ‘‘Salut mon pote, à bientôt…’’ » En fin de saison, le club provençal deviendra champion d’Europe, juste avant que n’éclate l’affaire VA-OM.
*OM-PSG, PSG-OM, les meilleurs ennemis. Enquête sur une rivalité, avec Daniel Riolo, Mango, 2003.
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