
Il y a un miracle irlandais, et même plusieurs. Cette île, très éloignée du cœur de la chrétienté dans les premiers siècles, « baignée de poésie et de mystère » selon l’historien Daniel-Rops, serait toujours demeurée une « île barbare », non romanisée, s’il n’y avait eu saint Patrick. Lequel, paradoxalement, n’est pas irlandais mais gallois ou écossais selon les sources ; en tout cas originaire de cette Grande-Bretagne conquise par les légions romaines. À 16 ans, Maewyn Succat, son nom de naissance, est la victime d’une razzia des barbares irlandais, et emmené en captivité pendant six ans. La rigueur de l’exil le conduit à se tourner vers Dieu. Et lorsqu’il parvient à s’échapper, il décide de se consacrer à l’évangélisation de l’île. C’est le premier miracle.
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Le deuxième est qu’il y retourne quinze ans plus tard, après s’être formé en Gaule, sur l’île de Lérins puis à Auxerre, auprès du grand évêque saint Germain, où il étudie les Saintes Écritures et les dogmes de l’Église. Ainsi armé spirituellement, saint Patrick se révèle être un missionnaire infatigable. Sa force est impressionnante. On raconte qu’il adore Dieu 100 fois par jour, les genoux en terre, en faisant 100 signes de croix. La nuit, il récite des psaumes, avant de finir plongé dans l’eau froide. Et lorsqu’il prend un peu de repos, c’est allongé sur une pierre nue qu’il dort !
Pendant trente années, il s’attelle ainsi à la conversion des chefs de clan, confond les druides. Il relate lui-même qu’il a baptisé des milliers d’hommes, fondé plus de 300 églises, ordonné 3 000 prêtres et même ressuscité 33 morts ! Et le plus étonnant est qu’il n’ait pas été martyrisé, ce qui advenait couramment dans ces temps rudes…
À la mort de son saint patron, l’Irlande est devenue « l’île des saints »
C’est qu’il a eu l’intelligence d’utiliser pour parler de la foi catholique une image familière en Irlande : le trèfle, ou « shamrock », devenu symbole de ce pays ! Moyen commode pour expliquer aux futurs baptisés le dogme de la Sainte Trinité, ce mystère central et propre au christianisme : un seul Dieu en trois personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Présent dès l’origine dans l’enseignement du Christ, il fut fixé définitivement au concile de Nicée, il y a 1 700 ans. Mais cette vérité essentielle était alors menacée par l’hérésie d’Arius, pour qui Jésus n’est pas Dieu. Le grand saint Athanase, qui lutta farouchement contre ce prêtre déviant, a magnifiquement exprimé la foi de l’Église par cette formule : « Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l’Esprit saint est Dieu. Et cependant il n’y a pas trois dieux mais un seul Dieu. » Le concile de Constantinople en 381, deux ans avant la naissance de saint Patrick, précisa cette notion par l’emploi du mot « consubstantiel », qui signifie que les trois personnes de la Sainte Trinité partagent une unique substance divine, symbolisée par les trois lobes d’un même trèfle !
À la mort de son saint patron, l’Irlande est devenue « l’île des saints ». Des siècles plus tard, elle enverra d’autres moines missionnaires sur le continent, en France notamment. Ces derniers, autres athlètes de Dieu, viendront à leur tour réévangéliser l’Europe tombée sous le joug des barbares. C’est le troisième miracle irlandais.
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