Le JDNews. À l’origine de La Belle-Iloise, il y a votre grand-père, Georges Hilliet ?
Caroline Hilliet Le Branchu. Oui, c’est lui qui a créé l’entreprise en 1932. Ses parents étaient mareyeurs [marchands de poissons en gros, NDLR] à Douarnenez. C’était la grande époque des conserveries et ils sont venus à Quiberon car c’était un des plus grands ports sardiniers de France. Il y avait à peu près 160 conserveries en France et quatorze rien que sur la presqu’île de Quiberon ! Mon grand-oncle a ouvert la sienne puis mon grand-père à son tour, à 22 ans : l’établissement Georges-Hilliet. Les sardines étaient pêchées dans les coureaux de Belle-Île et, à l’origine, il avait donné le nom La Belle-Iloise à sa recette de sardines à l’huile d’arachide.
C’est votre grand-père qui va décider de se passer de la grande distribution. Pourquoi ?
Avant les années 1960, on faisait ses courses à l’épicerie du quartier où les conserveries vendaient leurs produits. L’arrivée de la grande distribution a provoqué un changement de modèle économique. Beaucoup de conserveries ont disparu car en tant que fabricant, il fallait produire plus pour vendre moins cher, au détriment de la qualité. Or, pour mon grand-père, c’était hors de question d’y renoncer. Alors, en voyant arriver les vacanciers à Quiberon, il a eu l’idée d’ouvrir un petit local dans l’usine pour vendre ses boîtes en direct. Et voilà comment le premier magasin a vu le jour en 1967 !
Aujourd’hui, il y en a plus de 90 ?
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Quatre-vingt-douze exactement. En 1972, mon grand-père a transmis l’entreprise à ses fils, Georges fils et Bernard, mon père. Ensemble, ils ont ouvert un deuxième magasin à Carnac, puis un troisième au Croisic, un quatrième au Pouliguen… En 1982, ils ont eu l’idée d’écrire aux clients éloignés du littoral armoricain, qui avaient découvert La Belle-Iloise en vacances, et c’est comme ça qu’a débuté la vente par correspondance.
« On vivait au rythme de la conserverie »
Depuis près de quinze ans, c’est vous qui êtes aux commandes. Mais ce n’était pas prévu ?
Enfant, on vivait au rythme de la conserverie. On habitait à Quiberon, on faisait nos devoirs dans le bureau à l’usine et le plat du dimanche soir, c’était les pâtes aux sardines ! Pour autant, nous n’avons jamais été poussés à reprendre l’entreprise. J’ai commencé à travailler dans une multinationale américaine, chez IBM. L’idée de faire partie de cette aventure familiale n’est venue qu’après. Quand j’en ai parlé à mon père et à mon oncle, ils étaient ravis.
Qu’est-ce qui n’a pas changé en près de cent ans d’histoire ?
Nous avons gardé le même socle : la qualité. Nous travaillons toujours le poisson frais et à la main pour nos recettes de sardines entières, de filets de maquereaux et notre thon au naturel. Nous avons évolué sur certains sujets comme la surgélation, que l’on utilise pour les émiettés par exemple, car on ne sent pas la différence au goût et cela permet de faire travailler nos équipes toute l’année. Avec l’avancée des technologies, certaines tâches ont aussi été automatisées. Plus récemment l’intelligence artificielle nous a permis d’être plus efficaces sur certaines étapes, comme la vérification finale de la conformité du produit. Et puis, ce qui n’a pas changé, c’est notre attachement à Quiberon où sont situés notre siège et notre unique usine.
Comment se porte La Belle-Iloise aujourd’hui ?
Bien ! Nous faisons un peu plus de 66 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et nous comptons entre 400 et 600 collaborateurs en fonction des saisons. En 2023, nous avons racheté La Quiberonnaise, l’autre conserverie centenaire de Quiberon, qui était sans repreneur, afin de pérenniser l’histoire locale de cette entreprise familiale. Les produits La Quiberonnaise offrent une qualité haut de gamme comparable, mais à la différence de La Belle-Iloise, ils sont distribués en grandes et moyennes surfaces.
Vous arrivez à recruter facilement ?
Recruter est pour nous un véritable challenge ! Pendant la saison des sardines, nous recrutons à peu près 200 personnes pour six mois… Pendant des années, nous avons rencontré de très grandes difficultés, mais depuis un an, nous trouvons plus facilement. Pour autant, le défi de rendre nos métiers attractifs est constant, d’autant plus sur un territoire comme le nôtre où les prix immobiliers sont assez prohibitifs, l’offre locative rare et les transports en commun quasi inexistants… C’est pour ça que nous avons mis en place plusieurs dispositifs d’aide à la mobilité destinés à renforcer l’attractivité des emplois.
Vous l’avez dit et ça peut surprendre les non-initiés… Votre activité est saisonnière ?
Oui, nous respectons depuis toujours le rythme des saisons afin de préserver la ressource et d’avoir une matière première de meilleure qualité. La sardine peut être pêchée toute l’année, mais elle n’est pas bonne toute l’année. Notre saison sardines a lieu de mi-mai à mi-novembre. C’est durant ces six mois que la sardine offre la meilleure taille, le meilleur taux de matière grasse et le meilleur goût ! Nous, on dit : « C’est dame Sardine qui décide » ! (Rires.)
« Recruter est pour nous un véritable challenge ! »
Le respect des saisons fait partie d’un engagement plus large ?
Oui, et cela remonte à mon grand-père. Pour nous, la qualité passe nécessairement par le respect : respect de la matière première, de l’humain et du produit fini. Se nourrir est un besoin universel, et ce que l’on mange a un impact considérable sur la santé mais aussi sur la planète. Alors, en tant que fabricant, nous avons la responsabilité d’assurer une alimentation sûre, saine et durable. Dans un monde en transition, La Belle-Iloise peut s’appuyer sur sa qualité de société à mission et le label « Enseigne Responsable », qui nous encouragent à progresser dans nos pratiques grâce à des audits réalisés par des organismes extérieurs.
Une réponse à ce sujet des ressources, c’est l’innovation ?
Oui, l’innovation permet de diversifier notre offre afin de minimiser l’impact sur les ressources, tout en offrant de nouveaux choix à nos clients. Grâce à l’innovation, nous avons développé une gamme végétale aux algues bio de Bretagne pour garder le lien à la mer : tartare d’algues, mayoz’algues, confit de kiwis, pommes, algues… Nous avons aussi diversifié les espèces de poisson travaillées avec de nouvelles recettes, à l’instar du hareng, un poisson moins consommé, ce qui permet d’équilibrer l’impact sur une même ressource. Aujourd’hui, la sardine ne représente que 30 % de nos ventes. Et bientôt, d’autres nouveautés verront le jour, toujours conçues dans un esprit de plaisir, de partage… et de qualité !
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