
Les producteurs de lait sont très inquiets. « Non seulement les négociations tarifaires 2025 avec les distributeurs et les industriels sont difficiles, détaille Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), mais en plus nous continuons à perdre près de 8 000 producteurs par an. » Si la courbe se poursuit, insiste-t-il, « c’en sera fini de la souveraineté laitière française dans quelques années ». De la Bretagne à l’Auvergne-Rhône-Alpes en passant par les Pays de la Loire, les principales régions laitières sont confrontées au très lourd défi du renouvellement des 50 000 éleveurs, dont la moitié prendra sa retraite d’ici dix ans.
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« Nous voyons bien la solution souhaitée par les industriels et la grande distribution, continue Yohann Barbe. Ils prônent un agrandissement important des élevages pour passer de 70 animaux en moyenne, actuellement, à minimum 200 bêtes. » Mais ce projet de nouveau modèle n’est pas du goût de la majorité des 2 000 jeunes qui s’installent chaque année. Ils voudraient surtout que l’on conserve en priorité les élevages de « taille familiale », en privilégiant si possible des ventes directes, à la ferme, de leurs produits laitiers.
Le nombre d’animaux ne cesse de diminuer lui aussi
Afin d’attirer des vocations vers ce métier très contraignant, qui occupe douze mois sur douze et sept jours sur sept, la filière met notamment en avant les robots de traite qui libèrent un peu le producteur puisque le tirage s’effectue à la demande de la vache. « 20 % des fermes en sont équipées », indique Jean-Marc Chaumet, directeur du service économie du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). Ce qui n’empêche en rien la baisse récurrente du nombre de fermes. On comptait 120 406 exploitations en 2000, et seulement 46 200 en 2022. Parallèlement, le nombre d’animaux ne cesse de diminuer lui aussi : le cheptel a encore baissé de 1,6 % en 2023 et de 2,1 % l’année dernière.
« Avec la perte d’un milliard de litres de lait au cours des cinq années passées, il est certain que le métier est mis à mal », insiste Yohann Barbe. L’autosuffisance était de 120 % en 2015, ramenée à 108 % en 2023, et pourrait passer « sous la barre des 100 % en 2027 », annonçaient les experts du Cniel il y a quelques mois. Plusieurs raisons sont mises en avant pour expliquer cette désaffection. Selon le cabinet Axia Consultants qui vient de réaliser une étude sur la filière, « depuis 2020, la quasi totalité des groupes industriels du secteur laitier a lancé des projets de restructuration en réponse à plusieurs facteurs (nouvelles habitudes de consommation, inflation des coûts de production…) ». Autrement dit, les transformateurs réduisent la collecte de lait frais dans les fermes pour « rester compétitifs ». Le géant Lactalis s’est par exemple séparé de 272 producteurs du Grand Est et des Pays de la Loire.
L’avenir des productions agricoles du territoire inquiète. La filière porcine est à deux doigts de se tourner vers d’autres pays pour remplir ses abattoirs, quand celles de la volaille, des fruits ou des légumes sont très largement importatrices. Qu’en sera-t-il du lait ? « Soyons optimistes, répond toutefois Jean-Marc Chaumet, car la demande mondiale en produits laitiers augmente, notamment en Asie et en Afrique. » La France espère y décrocher une part du gâteau… À condition, évidemment, de disposer de suffisamment de producteurs. « Je viens de rencontrer l’un d’entre eux dans le nord de la France, illustre Yohann Barbe. Son affaire fonctionne mais sa banque lui refuse le prêt nécessaire à son projet d’agrandissement, au motif que sa rentabilité économique est insuffisante… »
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