Le JDD. Vous relatez dans votre ouvrage des moments intimes, le jour où vous avez craqué à l’Assemblée nationale ou encore votre rôle de mère. Pourquoi ce choix de vous dévoiler ?
Aurore Bergé. Dans une vie politique et médiatique, on se sent parfois un peu dépossédé. L’actualité impose ses thèmes, ses sujets. Ce livre m’a permis de faire un pas de côté pour prendre du recul, choisir mes mots et mon tempo. L’écrit offre plus de liberté et une hauteur de vue. Ça faisait longtemps que je souhaitais écrire. Ce qui s’est passé d’un point de vue politique en 2024 a suscité beaucoup d’intérêt, de rejet, d’inquiétude, de colère et de questionnement. J’ai voulu répondre aux questions de ceux qui ne croient plus en la politique. J’ai également voulu m’arrêter sur des sujets fondamentaux qui ont nourri mon engagement : la République, l’égalité, la laïcité.
Pourquoi avoir écrit ce livre maintenant ?
Le livre devait initialement sortir l’été dernier. La dissolution en a décidé autrement. Il me paraissait impossible de passer sous silence ce moment politique hors norme.
« Imposer aux Français des désistements systématiques était irrespectueux et infantilisant »
Lors des dernières élections législatives, vous n’avez pas respecté les consignes sur le front républicain. Referiez-vous le même choix si une nouvelle dissolution advenait ?
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J’assume pleinement mon choix : ni RN, ni LFI. Nous n’étions pas nombreux à le dire. Chaque jour qui passe où on voit les positions outrancières et antirépublicaines de La France insoumise me conforte dans ma décision. C’est une erreur stratégique : on ne peut pas dire qu’on combat le RN en votant LFI. Voter LFI, c’est faire monter le RN. Le meilleur rempart contre ces deux partis réside dans une réponse centrale et républicaine. Ensuite, il y a l’erreur politique. Les Français auraient dû être libres de leur choix. Leur imposer des désistements systématiques était irrespectueux et infantilisant. Cela a largement contribué à renforcer le narratif du RN. Mon idée n’est pas de dire que le RN est moins dangereux. Je veux simplement dire que LFI l’est tout autant.
La France insoumise est-elle votre principal adversaire politique aujourd’hui ?
C’est en tout cas l’adversaire le plus vocal. LFI est un marchepied évident pour le RN et contribue à sa normalisation. La gauche a profondément changé et doit s’interroger notamment sur ses alliances avec les Insoumis. Je vois néanmoins que le PS semble s’en détacher, espérons que ce soit durable.
Le combat contre les violences faites aux femmes est-il votre priorité ?
Devenir mère a bouleversé ma vie, mon rapport à la politique et mes priorités. Et je veux que toutes les petites filles aient le droit de rêver grand et d’être libres. Dans mon ministère, je suis confrontée au meilleur et au pire de la société. Il n’y a pas une journée sans que je reçoive des alertes de femmes en danger et dans tous les milieux sociaux. Les néo-conservateurs d’un côté et l’islamisme de l’autre : on ne peut pas accepter cet étau qui attaque en premier les femmes et leur corps. C’est pour cela que je veux interdire le port du voile pour les petites filles. Je me bats également contre l’indifférence. Les violences sont parfois tellement insupportables qu’on préfère les mettre à distance alors que tout le monde doit se sentir concerné. Statistiquement, nous le sommes tous d’ailleurs.
Pourquoi avoir confié à Emmanuel Macron votre histoire personnelle et les violences que vous avez subies ?
Je pensais légitime de lui dire quel avait été mon parcours. Ce n’est pas une faiblesse. S’en sortir, être debout, c’est une victoire. Et c’est une force inouïe. Ça ne donne aucune légitimité additionnelle mais peut-être une humanité supplémentaire pour appréhender ces questions. Et surtout une immense détermination pour me battre.

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