Le JDD. L’IA connaît-elle dans le champ militaire un bond similaire à celui observé dans le civil, depuis le début de la guerre en Ukraine ?
Luc Ferry. Oui bien sûr, l’IA est utilisée en permanence pour de très nombreuses missions. Pour ne donner qu’un exemple, au moment où la France s’apprête à augmenter massivement la production de Rafales, Elon Musk a déclaré que les avions de chasse seraient bientôt obsolètes, totalement remplacés par les drones pilotés par l’IA. Rien ne prouve qu’il a tort…
En quoi l’IA a-t-elle modifié la guerre ?
L’IA sert à identifier les cibles, guider les missiles, les avions et les drones. Elle est intégrée dans les systèmes d’armement, dans les armes autonomes, dans les systèmes de « combat collaboratif » de type « Scorpion », un dispositif qui coordonne entre eux les véhicules militaires, en particulier les blindés. Elle joue un rôle dans l’aide à la décision, dans l’organisation des cyberattaques qui piratent les infrastructures d’énergie, les systèmes d’information, de guidage, etc. Elle aide à la surveillance des troupes ennemies via des satellites équipés d’IA comme les « Starlink » d’Elon Musk… L’IA permet au passage d’analyser les milliards de données recueillies par des capteurs de plus en plus nombreux, des masses d’informations qui dépassent de loin les possibilités d’analyse du cerveau humain.
Il n’est pas impossible que les États-Unis reviennent dans le jeu et garantissent la paix ne serait-ce que par leur présence sur le sol ukrainien pour exploiter les minerais
Les États-Unis ont pris de l’avance dans la maîtrise de ces technologies. Alors que nous parlons désormais, en France et en Europe, d’« économie de guerre », comment devons-nous réagir ?
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Malgré quelques efforts en Europe, les États-Unis et la Chine ont des années d’avance sur nous. L’intervention du président Macron intervient dans le contexte d’une France en pleine dépression : un président rejeté par 75 % des Français, une dette abyssale, un gouvernement fantomatique et plus que tout, rien qui ressemble si peu que ce soit à un grand dessein alors que le projet européen ne suscite plus aucun enthousiasme, même chez ceux qui continuent à le défendre. Avant de jouer sur les peurs en déclarant que la Russie est notre ennemi, voyons déjà ce qui va se passer entre Trump et Zelensky. Zelensky s’est excusé, il a remercié les États-Unis dans les termes que Trump attendait, il a dit qu’il était prêt à travailler à la paix sous sa direction. Dans ces conditions, il n’est pas impossible que les États-Unis reviennent dans le jeu et garantissent la paix ne serait-ce que par leur présence sur le sol ukrainien pour exploiter les minerais. Si le contrat sur les terres rares est signé, des Américains viendront s’installer en Ukraine pour les exploiter : la Russie gardera ses territoires conquis, mais en échange, le reste de l’Ukraine sera protégé par la présence américaine. Plutôt que de jouer les va-t-en-guerre sur un ton martial, c’est ce scénario qu’il faut défendre.

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