
Le parquet général a demandé, ce mercredi 5 mars à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, d’opposer un avis défavorable aux six demandes d’extradition vers l’Algérie d’Abdesselam Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines (2014-2017) sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Alger réclame depuis près de dix-huit mois l’extradition de cet ancien membre du gouvernement, désormais installé dans les Alpes-Maritimes, afin qu’il exécute cinq peines d’emprisonnement de vingt ans chacune – et afin de le poursuivre dans un sixième dossier d’infractions économiques et financières.
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« L’éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, ferait courir à celui-ci, si ce n’est un risque de vie, un risque de déclin rapide et irréversible de son état de santé », a estimé l’avocat général, Raphaël Sanesi de Gentile, cité par l’AFP. Interrogées par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence sur les conditions de détention qui attendraient cet homme de 72 ans, les autorités algériennes ont évoqué une incarcération au centre pénitentiaire d’El Harrach, à Alger, dans des « salles de 120 à 145 m² », sans indiquer le nombre de détenus dans ces salles.
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Accusé d’avoir « volé de l’argent aux Algériens »
« J’ai du mal à imaginer qu’il puisse vivre dans une communauté de vie avec une quinzaine de personnes », a précisé l’avocat général. « Plutôt 100 personnes », a renchéri Me Benjamin Bohbot, avocat d’Abdesselam Bouchouareb, citant un reportage du mensuel Jeune Afrique sur la surpopulation de la prison d’El Harrach, où les détenus « entassés comme des sardines doivent dormir à même le sol ou à tour de rôle ».
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Dans un contexte de relations tendues entre Paris et Alger, l’avocat général a dit « regretter le risque de voir mélanger l’activité judiciaire […] avec des éléments d’ordre international ». Conseil de l’Algérie, Me Anne-Sophie Partaix a estimé que les autorités judiciaires ont, le 13 février 2025, « donné les garanties nécessaires » à la justice française : « M. Bouchouareb a volé de l’argent aux Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes », a-t-elle insisté.
Dénonçant des propos « honteux », Me Bohbot a présenté son client comme une victime des « purges » de l’après-Bouteflika, contraint à la démission par le mouvement populaire de contestation du Hirak, en avril 2019. « L’aspect politique crève les yeux, si on envoie M. Bouchouareb en Algérie c’est pour y mourir », a dénoncé l’avocat, évoquant deux anciens Premiers ministres et plusieurs membres du gouvernement condamnés en 2020 à de lourdes peines de prison. Selon lui, les garanties offertes par l’Algérie pour une détention respectueuse des standards internationaux sont « d’un cynisme absolu ».
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Crise entre Paris et Alger
« Je ne suis pas un voleur mais un grand industriel anti-islamiste », a revendiqué l’accusé, visiblement affaibli par la maladie. Et d’ajouter : « Mes collègues sont injustement incarcérés car ils ont voulu appliquer la loi. » Dénonçant une procédure « cousue de fil blanc », il s’est présenté comme un « libéral » : « Si on avait bien investi, l’Algérie ne serait aujourd’hui pas loin de la Corée [du Sud, NDLR] », a-t-il estimé. La chambre d’instruction rendra sa décision le 19 mars. En cas d’avis défavorable, la procédure d’extradition prendrait automatiquement fin.
Cette affaire survient dans un contexte de graves tensions entre Paris et Alger, notamment autour de l’incarcération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en Algérie depuis mi-novembre, suivie du refus du pays d’accueillir plusieurs de ses ressortissants expulsés de France. La situation s’est encore aggravée fin février après un attentat meurtrier à Mulhouse, dont le principal suspect, visé par une OQTF, avait été refoulé par Alger quatorze fois.
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