Nous sommes dans la période d’après-guerre. Jacques Courtin caresse le rêve de devenir médecin. La parenthèse de la guerre bouscule ses plans et empêche l’ancien interne d’accéder à ce métier. Lorsque la vie reprend, le jeune homme enchaîne les petits boulots puis choisit une discipline tournée vers le soin, en se formant en tant que kinésithérapeute. Il considère ce métier comme une véritable mission au service des femmes qui n’aiment pas leur corps. Une réflexion le taraude depuis qu’il a accompagné des médecins dans leurs visites, en postopératoire, dans les services d’oncologie : si la prise en charge médicale des malades est indéniablement réussie, qu’en est-il de leur aspect physique et donc de leur bien-être ? Les médecins de l’époque semblent juger cela secondaire.
Dès 1954, Jacques Courtin lance alors son centre de massage, rue Tronchet. Le but ? Aider les femmes à se réapproprier leur corps. La proposition rencontre très vite un franc succès. Jacques Courtin est un original. Il puise ses idées au quotidien, en se promenant dans Paris. Ainsi lui en vient-il une pour le moins novatrice et farfelue : à l’époque, les messages sont envoyés par air pulsé – ce sont les fameux tubes. Pourquoi ne pas utiliser cet air, gratuitement disponible dans Paris, pour réaliser des massages ? À la façon dont l’air déforme les visages des parachutistes, les corps des clientes seront ainsi palpés via des machines développées spécialement pour les esthéticiennes. Et puis, vite, le patron propose quelques huiles naturelles basées sur des concoctions aux plantes et extraits végétaux pour aider ses praticiens. Les clientes en redemandent : les préparations seront finalement commercialisées.
Allier science et innovation
C’est le début de l’aventure des soins. L’institut grossit : quatorze salles de massage. La recette de la réussite ? « Mon père écoutait les femmes et prenait constamment en compte leurs avis pour coller au plus près de leurs exigences », partage l’actuel directeur général de l’entreprise, le Dr Olivier Courtin-Clarins, l’un des deux fils du patriarche. Aujourd’hui encore, il applique cette méthode, sautant sur chaque occasion de visite d’institut pour écouter les praticiennes.
Le but : aider les femmes à se réapproprier leur corps. Un franc succès
Les deux fils du fondateur travailleront à ses côtés. Christian s’occupera de l’ouverture à l’international et Olivier, après avoir été chirurgien orthopédique et chef de clinique à l’hôpital Foch, rejoindra l’aventure en 1984 : « Dans les yeux de mon père, médecin restait le plus beau métier du monde. Quand j’ai eu fait carrière à l’hôpital, il est venu me chercher et me convaincre : il avait besoin que la marque prenne un tournant plus scientifique. »
Olivier a pour mission de prouver l’efficacité de l’action des plantes pour la santé, en développant des brevets dans des laboratoires en Europe. Le sceau de la reconnaissance. Lui-même connaît bien les problématiques qui touchent à l’épiderme : dans son travail en orthopédie, il s’est formé pour que les cicatrices laissées par les opérations deviennent presque invisibles. En parcourant l’Europe, il fait entrer Clarins dans le champ de la recherche fondamentale : « Nous avons ainsi pu prouver que lorsque les vitamines étaient ingérées oralement, la peau était le dernier maillon de la chaîne à en bénéficier, d’une façon détériorée : d’où le développement du fameux “éclat de jour’’ à l’époque, qui agit directement sur la peau. »
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Aujourd’hui, le temps du seul institut rue Tronchet n’est plus qu’un lointain souvenir : Clarins s’est imposé dans les belles réussites françaises, en affichant un coquet chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros, avec une présence dans 150 pays. Le secret ? Allier science et innovation, grâce à des recherches en biologie cellulaire, phytochimie, ethnobotanique, analyse sensorielle… Olivier Courtin n’en est pas peu fier : le produit phare de la marque, un double sérum qui allie subtilement eau et huile pour hydrater parfaitement l’épiderme, se vend toutes les cinq secondes à travers le monde.
Le produit phare ? Un sérum hydratant, qui se vend toutes les 5 secondes à travers le monde
Et pour tenir le cap de cette entreprise florissante, qui emploie plus de 8 000 salariés, rien de tel que la famille. Olivier travaille avec ses filles et sa nièce. Les deux valeurs piliers ? L’honnêteté et le travail : « Ce sont des héritières, certes, mais elles ont fait leurs preuves », souligne Olivier Courtin. L’usine de Pontoise assure la production, entièrement française. Elle tourne actuellement en surcapacité, et dans la famille, les perspectives d’évolution ne souffrent pas d’être restreintes : Clarins a fait le choix d’ouvrir une seconde usine de production à Sainte-Savine, près de Troyes. Dix-huit lignes de production, dont deux sont aujourd’hui en fonctionnement. Olivier Courtin explique : « Nous avons fait une réunion de famille : ouvrir notre seconde usine en France s’est imposé. Il n’a jamais été question de produire ailleurs, pour une raison fondamentale : nous sommes français. »
Cent trente-cinq millions d’euros sont donc investis pour amener le numéro 1 des soins en Europe à doubler – aux côtés des autres participations du groupe familial – son chiffre d’affaires : 4 milliards d’euros à l’horizon 2030. Un plan ambitieux pour ce groupe entièrement indépendant, français, dont près de 95 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’international, en particulier en Chine.

La beauté en héritage
Dans le bureau dans lequel nous rencontrons l’actuel directeur général, des photos sont affichées ici et là. Au mur : Prisca et Jenna, ses jumelles. La seconde, mannequin, est ambassadrice de la marque. Prisca passera pendant la rencontre, souriante, pour rappeler une réunion urgente. Dans le bureau d’à côté, Virginie, la fille de Christian et directrice générale depuis 2022, travaille. Les Courtin sont bien ici en famille, et l’héritage du goût de la beauté et du travail, manifestement transmis, se retrouve dans les mains de la troisième génération.
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