Les services de fact-checking (vérification des faits) se sont multipliés il y a une dizaine d’années, au moment où l’information se déportait massivement sur Internet. Face à cette « ère de post-vérité », pour paraphraser le philosophe américain Lee McIntyre et son livre éponyme Post-Truth, paru en 2018, plusieurs grands médias français ont investi dans des services de fact-checking, comme l’AFP, Libération ou Le Monde. D’autres en ont même fait leur spécialité, comme le site internet Conspiracy Watch. Avec un objectif en tête : rétablir la vérité dans un océan de mensonges.
Mais l’action des fact-checkers ne s’est pas longtemps cantonnée à la seule véracité des « faits », raison originelle de leur existence. Le champ des idées a lui aussi fini par être pris d’assaut. Contester la théorie du genre ? Révisionnisme. Questionner la capacité du vaccin à freiner la transmission du Covid ? Complotisme. Un homme peut-il vraiment être enceint ? Transphobie. Existe-t-il un lien entre délinquance et immigration ? Xénophobie. Les fact-checkers se sont mis à expliquer ce que le commun des mortels était autorisé à penser, bien loin de leur mission initiale.
Exit les idées jugées « dissidentes ». Les politiques de restriction et de censure mises en place par les réseaux sociaux, Facebook et YouTube en tête, pendant la période du Covid, prétendaient lutter contre le complotisme. Et ceux qui affirmaient que le vaccin servait à pucer l’humanité entière se sont retrouvés dans le même sac que ceux qui se demandaient si le Covid ne s’était pas échappé d’un laboratoire – hypothèse finalement considérée par les autorités – ou ceux qui affirmaient que le vaccin n’empêchait pas la transmission – fait pourtant établi.
Un comportement déployé dans de nombreux domaines. Mark Zuckerberg, patron de Meta, a récemment reconnu ces abus en matière de modération des contenus, et déploré la « frustration » qu’ils ont pu produire chez les utilisateurs, évoquant notamment les sujets comme l’immigration ou la transidentité. Un revirement impulsé par la victoire de Donald Trump aux États-Unis, auquel ont fini par souscrire d’autres géants des Gafam comme Jeff Bezos, patron d’Amazon, ou encore Alphabet, la maison mère de Google.
Mais en Europe, surtout en France, la tendance ne suit pas. Les autorités, pourtant, ne sont pas en reste. Médiatiques, indépendantes ou politiques, elles sont nombreuses à accuser quiconque n’embrasse pas le discours dominant de mensonges, de fake-news ou de tromperies. Étrangement, cela ne concerne pas tous les médias. France Inter, en 2015, intitule l’un de ses articles « Réfugiés : le fantasme de l’infiltration terroriste », avant de le changer lorsque la France apprend que des terroristes du Bataclan sont arrivés par le flux des réfugiés. Sans que personne ne hurle au mensonge.
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Quand, pendant les dernières législatives, Le Canard enchaîné et Libération ont accusé un candidat du Rassemblement national d’avoir tenu des propos antisémites, au point de lui faire perdre son investiture, qui est venu réclamer un correctif alors que l’information était fausse ? Personne. Qui détient la vérité ? Qui décide de ce qui peut être dit ou écrit ? Qui autorise ce qui peut être écouté, regardé, lu ? Et surtout, selon quels critères ? La question reste entière, mais les lois se multiplient.
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