La menace d’un rapprochement entre les États-Unis et la Russie fait trembler l’Europe. Après la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky qui a tourné à la confrontation vendredi dernier à la Maison-Blanche, et alors que l’accord sur les minerais n’a finalement pas été signé, le président américain a suspendu l’aide militaire de Washington à Kiev ce lundi. Le chef d’État ukrainien tente désormais de recoller les morceaux avec son homologue américain, tandis que le Kremlin considère que cette suspension est « la meilleure contribution » possible pour obtenir la paix avec l’Ukraine.
L’historien spécialiste des États-Unis, André Kaspi, y voit un coup de force de Donald Trump pour que Volodymyr Zelensky « se plie à ses volontés ». Alors que Washington semble peu à peu se tourner vers Moscou, il est ainsi « urgent » de réarmer l’Europe.
Le JDD. Alors que les conditions de la fin de la guerre en Ukraine font l’objet de vives crispations à l’international, Donald Trump suspend son aide militaire à Kiev. Y voyez-vous un rapprochement entre les États-Unis et la Russie ?
André Kaspi. Incontestablement. Les États-Unis ne soutiennent plus, momentanément, l’aide à l’Ukraine et cela renforce la partie russe. Cela oblige l’Ukraine à trouver de nouveaux fournisseurs. Elle se tourne vers l’Europe mais, les pays européens ne sont pas forcément du même avis et n’ont pas la même puissance leur permettant de venir en aide à l’Ukraine. Les États-Unis attendent que Volodymyr Zelensky reconnaisse le caractère indispensable des États-Unis.
Donald Trump se rapproche de la Russie car il pense que cela peut contrer l’influence chinoise. Rien ne prouve cependant qu’il y parvienne, car la Russie n’est pas prête à se détacher de cette influence.
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L’altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky a été filmée par de nombreux médias présents à la Maison-Blanche vendredi…
Oui, tout cela s’est fait devant des caméras. Il y a un côté « mise en scène », une sorte de « diplomatie spectacle ». Il est difficile de prétendre que les caméras ne jouent aucun rôle. C’est un grand spectacle que Donald Trump a voulu donner. Il voulait montrer au monde entier que la signature de l’accord sur les minerais résulte de l’aide américaine à l’Ukraine.
Le but de l’opération était d’obtenir que Volodymyr Zelensky se plie aux volontés de Donald Trump, qu’il reconnaisse que l’aide des États-Unis est capitale et que seul Washington peut décider de l’arrêt des combats.
« Vladimir Poutine se remet en selle sur la scène internationale »
Que peut faire l’Europe ?
Les Européens sont un peu à la recherche de la solution miracle. Ils veulent maintenir leur aide à l’Ukraine, mais celle-ci est insuffisante par rapport à celle des États-Unis. Il faut trouver un accord entre les puissances européennes. Il y a un certain pessimisme qui se manifeste chez beaucoup d’Européens, car ce n’est pas facile de remplacer les États-Unis.
Désormais la Russie se sent plus libre d’agir. Elle veut d’ailleurs favoriser les relations entre les États-Unis et l’Iran. Vladimir Poutine peut tenir un rôle qu’il n’avait plus, ça le remet en selle sur la scène internationale.
Emmanuel Macron s’est dit prêt à « ouvrir la discussion » sur la dissuasion nucléaire européenne. Faut-il partager ce pouvoir ?
La maîtrise de la bombe atomique ne se partage pas. S’il y a une situation qui exige une riposte, il faudrait un accord de plusieurs décisionnaires. Je reste sceptique car cela ne me semble pas correspondre à la diplomatie nucléaire, encore moins à ce qu’avait imaginé le général de Gaulle.
Il faut en revanche réarmer la France, et vite…
C’est même urgent ! Il faut se dépêcher. Et il faudrait retrouver du jour au lendemain une force militaire que la plupart des pays européens n’ont pas. Il faudrait disposer d’un nombre suffisant de chars, de missiles, de tout un équipement électronique qui était entre les mains des Américains.
Il y a encore trois jours, Volodymyr Zelensky refusait de céder les territoires ukrainiens aux mains des Russes. Doit-il finalement y renoncer ?
Après trois ans de guerre, qui n’ont pas permis la victoire totale de la Russie – même si elle occupe une partie du territoire ukrainien -, ni à l’Ukraine de vaincre les Russes sur le terrain militaire, il me semble qu’il faut imaginer une fin de guerre qui serait défavorable à l’Ukraine. D’autant que dans les territoires pris par l’armée russe, comme le Donbass, l’influence russe prévaut.
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