Dans la nuit du 1er mars dernier, la médiathèque Champollion de Dijon est partie en fumée. Un nouvel incendie criminel qui illustre la stratégie délibérée des délinquants, au bras idéologiquement armé, de saccager des lieux de culture situés dans les quartiers dits « sensibles » de nos banlieues. Des enclaves dont ces réseaux, mi-mafieux mi-religieux, souhaitent visiblement qu’elles le restent, coupant les habitants de ce qui fait le substrat de notre pays, notre ciment national. Un séparatisme culturel qui devrait nous sauter aux yeux et qui, pourtant, ne révolte pas grand monde.
Aujourd’hui, il ne reste plus rien de ce bâtiment public construit grâce à l’argent de l’État français dans le quartier des Grésilles. Un lieu où petits et grands pouvaient venir lire Murakami, le dernier Jean-Christophe Grangé, feuilleter un dictionnaire, un manga ou apprendre Victor Hugo.
« La rage mise à détruire un livre en dit long sur la faiblesse de celui qui s’y adonne »
Le 19 février, c’est la bibliothèque Chantal-Mauduit de Grenoble, flambant neuve si j’ose dire – elle venait de rouvrir ses portes –, qui a été réduite en cendres après une attaque à la voiture-bélier. Là encore un quartier ravagé par la violence, les trafics de drogue et les règlements de comptes. Je continue la liste ? Prenons les bibliothèques ou médiathèques ravagées lors des émeutes de l’été 2023 : Rillieux-laPape, Montauban, Neuilly-sur-Marne, Nogent-surOise, Lille, Metz.
J’arrête, la liste est trop longue, elle me fait mal au cœur. Du plus loin que je me souvienne, la compagnie des livres, la quiétude des bibliothèques, l’éblouissement en découvrant un auteur et une œuvre ont toujours été pour moi des moments sacrés, hors du temps. Un refuge loin du tumulte du quotidien, où chacun peut s’échapper de son destin individuel.
Un coup d’œil à l’histoire me confirme que les destructions de livres ont toujours eu lieu. À chaque fois, elles ont été l’apanage de religions, de régimes autoritaires ou d’empires voulant faire table rase de ce qui les avait précédés. D’Antioche à Constantinople, de l’Inquisition à la Révolution, de Berlin et ses centaines de milliers d’autodafés perpétrés par les nazis en passant par Sarajevo, à chaque fois le même déchaînement de violence mis au service d’un fanatisme idéologique visant à éradiquer la mémoire et le savoir. « Là où l’on brûle des livres, on finit par brûler des hommes », disait en 1853 le poète juif allemand Heinrich Heine. La rage mise à détruire un livre en dit long sur la faiblesse de celui qui s’y adonne. Elle préfigure toujours la violence qui déferle.
La suite après cette publicité
Peut-on tuer les idées ? Non bien sûr. Mais on peut les ralentir en tentant d’empêcher le plus grand nombre, le peuple, d’y accéder. Les talibans ont détruit les bouddhas de Bâmiyân au motif qu’ils représentaient un blasphème pour l’islam. Ils ont depuis interdit aux jeunes femmes l’accès à l’enseignement secondaire et à l’université : résultat, 80 % des petites Afghanes sont déscolarisées.
Nous n’en sommes pas là mais le danger est bien présent. Ne vous y trompez pas, la destruction des lieux de culture est un geste de vainqueur, un geste de conquérant qui vise notre identité collective afin de briser ce qui nous lie. Là encore, nous sommes en pleine guerre de civilisation.
Source : Lire Plus