Les résultats ne sont pas spectaculaires, mais pas totalement nuls. Pourtant, le projet de mise sur le marché de nouveaux médicaments à base de cannabis semble plus que jamais enlisé.
L’idée qu’un dérivé d’une substance interdite puisse accéder au statut de médicament a fait l’objet d’une ébullition médiatique, loin du cadre habituellement sévère de l’évaluation des médicaments. Les pouvoirs publics prennent leur distance avec ce dossier qui aurait dû conduire, d’après ses promoteurs, à la mise sur le marché rapide de ce cannabis thérapeutique. Sans doute parce que cette expérimentation est loin d’avoir répondu à toutes les questions médicales, en particulier sur les effets à long terme de ces produits.
L’expérimentation a porté sur 3 300 malades, souffrant de douleurs liées notamment à un cancer avancé ou une maladie neurologique grave et en impasse thérapeutique. Ils ont reçu des substances extraites du cannabis, THC et CDB, dans des proportions variables. « Le rapport de la DGS confirme d’abord la faisabilité de la prescription et de la distribution du cannabis médical, explique le professeur Nicolas Authier, spécialiste de la douleur au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité scientifique de l’expérimentation cannabis. Au total, 30 à 35 % des patients traités ont bénéficié d’une amélioration significative de leur douleur, de leur qualité de vie. Troisième point, ce cannabis médical a été plutôt bien toléré avec un taux d’effets indésirables graves de l’ordre de 5 %, très peu de cas de mauvais usage. » Quelques effets secondaires plus communs ont également été observés : nausées, palpitations, crises d’angoisse, somnolence.
Fin décembre 2024, l’expérimentation devait s’achever mais 1 600 patients recevaient encore ce cannabis médical. Il en sera ainsi jusqu’au 31 juin 2025. Mais ensuite, il faudra leur trouver une alternative ! En effet, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2024 prévoyait le remplacement de l’expérimentation par une entrée des médicaments à base de cannabis dans le droit commun. Il n’en est plus rien : Yannick Neuder, ministre de la Santé, vient de demander à la Haute Autorité de statuer sur le sort du dossier.
Sont pointés les risques de cancer à long terme liés au cannabis
Car cette expérimentation a aussi des limites et des détracteurs. D’abord, il ne s’agit pas d’un essai clinique classique, comparant le cannabis à un placebo ou à un autre antidouleur – comme l’exige le gold standard de l’évaluation des médicaments – mais d’une « expérimentation ».
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De surcroît, des médecins américains viennent de mettre en garde dans la revue britannique The Lancet Public Health de février 2025, contre les risques, demandant que soient menées des enquêtes épidémiologiques supplémentaires utilisant des modèles d’étude rigoureux. Ils pointent notamment les risques de cancer à long terme liés au cannabis, qu’il soit récréatif ou médical. « Les liens entre l’exposition au cannabis et le risque de cancer sont plus suggestifs que concluants. Mais le manque de preuves sur les risques réduit la capacité des décideurs politiques, des professionnels de la santé et des particuliers à prendre des décisions éclairées sur la consommation de cannabis et pourrait exposer le public à un risque sanitaire potentiellement grave », écrivent-ils.
En attendant, deux médicaments à base de cannabis ont déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché en France. L’un est disponible dans le cadre précis du traitement complémentaire de certaines épilepsies ; l’autre, le Sativex, a été autorisé il y a quelques années mais non remboursé en raison des exigences du laboratoire en termes de prix. À ce stade, pas de miracle « cannabis médical », mais un casse-tête de plus pour le ministère de la Santé et le gouvernement.
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