Preuve qu’il n’a pas instauré de dictature, Donald Trump est obsédé par les élections à venir. Sa victoire, en novembre 2024, puis son investiture, deux mois plus tard, n’auront offert qu’une courte trêve. Car les midterms de 2026, c’est déjà maintenant. Fort d’un Congrès qui lui est acquis, même avec de courtes majorités, le républicain sait que le sort de son destin politique se joue dans ces centaines de futurs scrutins qui se préparent déjà.
Donald Trump rêve d’une victoire écrasante en novembre 2026, au Sénat, à la Chambre des représentants mais également dans les trente-six États qui choisiront leurs gouverneurs. S’il souhaite poursuivre sa stratégie du tout exécutif, il a besoin d’un pouvoir législatif atone et d’exécutifs locaux aussi soumis que des préfets. Susie Wiles, sa directrice de cabinet, spécialiste de la carte électorale, qu’elle connaît comme sa poche, s’est mise en mode GPS avec alertes embouteillages aux candidatures, examen des découpages des districts, sondages quartier par quartier, ethnie par ethnie. Sa carrière entière a consisté à faire triompher des candidats improbables sur des territoires imprenables : pourquoi n’y arriverait-elle pas à nouveau ?
Les démocrates avaient remporté, aux élections de mi-mandat de 2018, la Chambre des représentants tandis que les républicains avaient réussi à arracher deux sièges au Sénat. Suffisant à l’époque pour lancer des commissions d’enquête et voter deux impeachments. Donald Trump garde le souvenir douloureux de cette vaguelette bleue qui avait gâché la deuxième moitié de son mandat, empêché l’édification du mur à la frontière sud, coûté peut-être sa réélection.
Vingt mois avant ce scrutin, Donald Trump se lance donc de bonne heure dans une campagne au long cours. Il le fait ouvertement. Première salve lors du très guindé dîner des gouverneurs, la semaine dernière, à la Maison-Blanche. « On dit que lorsque vous remportez la présidence, les élections de mi-mandat ne vous sont pas favorables mais je crois que nous allons réussir. Je pense que nous allons considérablement augmenter nos marges ! », a déclaré Donald Trump, révélant sa stratégie consistant à exploiter à fond ce soutien populaire dont il bénéficie depuis sa victoire.
Un trésor de guerre
Dès le 6 novembre, le président élu a ainsi ordonné à ses conseillers de harceler au téléphone les donateurs du Parti républicain, laissant carrément entendre que les fonds collectés serviraient à un troisième mandat (inconstitutionnel pour l’instant) avant de réaffecter ce trésor de guerre. « Si je ne peux pas le dépenser pour moi, je suppose que cela signifie que je vais le dépenser pour certains de mes amis, n’est-ce pas ? », a-t-il glissé lors de cette même soirée. À l’en croire, le républicain avait déjà récolté 608 millions de dollars, trois semaines à peine à près la défaite de Kamala Harris ! De quoi subventionner copieusement ses fidèles qui, avant même les primaires des différentes élections, se disputent le soutien du chef.
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La campagne connaît déjà ses petites tragédies trumpiennes. La première à en avoir fait les frais est Casey DeSantis, l’épouse de Ron, le gouverneur de Floride qui, au terme de son second mandat, ne pourra se représenter. L’ex-rival de Donald Trump aux primaires de 2024, conservateur antiwoke qui jouait de son image de gendre idéal présentable contre un candidat « trop vieux et trop dingue » (ainsi qu’il le décrivait en privé après les midterms de 2022), a mis du temps, en 2024, à se rallier à celui qui l’avait pourtant aidé à décrocher la Floride en 2018. Pressentie pour remplacer son mari, Casey, élégante mère de famille, ancienne vedette du JT matinal sur une chaîne locale, n’aura pas le soutien du chef d’État.
Donald Trump se lance à nouveau dans une campagne
Le président n’a pas pardonné le service minimum du premier couple de Floride pendant la présidentielle, pas davantage qu’il n’apprécie le glamour rustique des DeSantis. Chez les fans du président, Casey a hérité d’un sobriquet qui lui colle autant à la peau que le déficit de charisme colle à celle de son conjoint : « Walmart Melania » (la « Melania de Leclerc », pourrait-on traduire). Donald Trump lui préfère Byron Donalds, député afro-américain de Floride de 47 ans, originaire de Brooklyn. Prévenant à défaut d’être étincelant. « Il serait un gouverneur véritablement génial et puissant et, s’il décide de se porter candidat, il aura mon soutien total et complet. Cours, Byron, cours ! [jeu de mots inspiré de Forrest Gump, « run » voulant à la fois dire courir et se présenter à une élection, NDLR] », s’est-il enthousiasmé.
Quel avenir pour le patron de X ?
Donald Trump recycle aussi, avec plus ou moins de discrétion, les déjà ex-stars de sa dernière campagne. Vivek Ramaswamy est de ceux-là. Ce dernier devait diriger avec Elon Musk le département de l’Efficacité gouvernementale (le Doge), jusqu’à ses propos sur la nécessité d’accorder des visas aux étrangers diplômés dans les nouvelles technologies, laissant sous-entendre que les Américains ne suffisaient pas dans ce domaine. Écartée du premier cercle, la révélation des primaires du GOP, d’origine indienne, concourra au poste de gouverneur de l’Ohio, son État natal – et celui de J. D. Vance, dont il reste proche. Avec la bénédiction de Donald Trump et Elon Musk, ravis de s’en débarrasser.
Pour le reste, les candidats seront jugés sur leur attitude, spécialement sur l’équilibre qu’ils trouveront entre allégeance à la Maison-Blanche et sens critique. S’aligner sur Donald Trump ou s’aliéner les indécis ? Le gros des troupes se rangera sous sa bannière ; la plupart, spécialement à la chambre basse, lui doivent leur élection et comptent sur ce trésor de guerre. Or la critique commence à se faire entendre à mesure que le Doge se sépare, parfois brutalement, même au regard du droit du travail américain, de certains fonctionnaires.
Sur le terrain, ces licenciements ne passent pas. Les town halls, ces rencontres entre élus et citoyens, dont sont friands les Américains des petites villes, se font houleux. La période des vacances parlementaires a été l’occasion pour un certain nombre de députés de retrouver leurs administrés dans une atmosphère pré-électorale. Rich McCormick, représentant d’un district fermement républicain, en a fait les frais à l’hôtel de ville de Roswell, une banlieue d’Atlanta. Les participants l’ont hué et dénoncé coupes budgétaires et licenciements. Environ 1 000 salariés du Centre de contrôle et de prévention (le CDC), un important employeur de la région, ont été virés. Sur NBC, McCormick a promis de demander à Elon Musk d’être « plus compatissant » ! Des scènes identiques se produisent d’un bout à l’autre du pays. Sur la chaîne CBS, le républicain John Curtis, représentant de l’Utah, s’est fait l’écho de ce terrain désenchanté : « Ce sont de vraies personnes, avec de vraies vies. Ce sont des prêts hypothécaires. »
Il ne s’agit pas d’un mouvement alarmant, mais de la réception des mesures prises par Elon Musk dépendra peut-être le destin politique de Donald Trump deuxième version. Si le président n’est pas sur le point de se séparer du patron de X, il n’a pas davantage envie d’offrir aux démocrates les premiers déçus de sa politique. Avec cette question, que tout le monde murmure : l’homme des fusées sera-t-il le fusible des midterms ?
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