L’actualité diplomatique ne manque pas de piquant en ce moment. Mercredi, François Bayrou a (re) lancé l’offensive contre les « tous les accords » passés avec l’Algérie. Entre les tensions liées au Sahara, la détention de l’écrivain Boualem Sansal ou les passeports consulaires, les litiges ne manquent pas. Mais à ne se concentrer que sur les règlements migratoires de 1968, le Premier ministre ne prend pas toute la mesure de la haine séminale que voue Alger à l’ancien colonisateur depuis la fin de la fin de la guerre d’Algérie. Les relations diplomatiques entre les deux pays sont viciées, dès 1962, par les « accords » d’Évian qui ont été piétinés par le nouveau régime algérien et qui auraient dû être immédiatement dénoncés par la France.
Bâclés par la France, ils ne mettent pas fin à la guerre, mais la relancent en l’exaspérant ouvrant une séquence tragique pour des centaines de milliers de pieds-noirs et de harkis. Depuis, le pouvoir FLN ne cesse d’agiter menaces et réparations alimentant ainsi une bien opportune rente mémorielle de diversion politique. Ses idiots inutiles participent encore à cette inflation provocatrice comparant hasardeusement la colonisation au nazisme. La racine du Mal réside dans le fait que les « accords » d’Évian ne furent pas le fruit d’une négociation mais une succession de renoncements dont la France n’a pas alors mesuré les conséquences dramatiques sur le plan humain, moral, économique et migratoire. Ce sont ces accords, humiliants pour la France, qu’il faudrait commencer par abolir.
Depuis 1961, des entrevues secrètes menées à l’initiative de la France remettent en selle un FLN écrasé militairement et suturé de conflits internes. Tout heureux de se voir offrir un rôle inespéré, le Gouvernement provisoire de la République algérienne entend bien reprendre l’avantage diplomatique. La France pense conserver l’accès au Sahara et le maintien des droits civils des « Européens ». Mais le FLN, rompu à la dialectique révolutionnaire, joue le rapport de force convaincu que la France, comme toute démocratie occidentale, finira par céder. Il radicalise sa position sous la pression du détenu Ben Bella que de Gaulle autorise curieusement à participer à la discussion. Pressé d’« en finir vite avec la boîte à chagrin », le chef de l’État lâche à peu près tout, y compris ce qu’il considérait comme intangible. C’est un lâche soulagement côté français. Mais le texte des « accords » – terme galvaudé – d’Évian, n’est qu’un préliminaire jugé néocolonialiste sur lequel le FLN revient, dès 1962, par la charte de Tripoli qui contredit le programme commun du 18 mars.
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Le FLN ne respecte aucune trêve, encourageant, au contraire, la guerre civile pour obtenir davantage de concessions. Les attentats et les enlèvements de plus de 3 000 Européens tétanisent l’opinion. Les Français d’Algérie, sidérés par le massacre de la rue d’Isly le 26 mars commis par des appelés algériens, sont poussés à l’exode. Là où la France s’était bercée de l’illusion de faire advenir une société composite, incluant les Européens, la nouvelle Algérie définit ethniquement le « peuple algérien » débarrassé des Français d’Algérie jugés inassimilables. De facto, ces derniers sont écartés des dispositifs civiques et la promesse d’un statut « protecteur » pour Alger et Oran, où ils devaient être nombreux, est oubliée.
Les facilités accordées à la venue des Algériens en France ont favorisé leur installation massive depuis des décennies faisant d’eux la communauté étrangère la plus importante du pays
Alger refuse aussi que s’installe la Cour des garanties prévue par les accords. Les droits des harkis ne sont pas respectés. Ces musulmans qui ont fait le choix de la France, désarmés par Paris, sont victimes d’arrestations et de tortures dans un climat de haines recuites. Peu importent ces drames, Paris croit avoir sauvé l’essentiel, les bases au Sahara mais Alger refuse qu’on y réalise des essais nucléaires. Les patrimoines, spoliés, sont soumis à des comités de gestion et ne seront jamais restitués. Mais la France s’évertue quand même à verser plus d’1,5 milliard de francs à Alger pour combler son déficit et racheter les biens des ressortissants français. Des dizaines de milliers de fonctionnaires français, stipendiés par le contribuable français, sont envoyées à Alger pour aider à l’éducation et aux travaux publics. Le « code pétrolier » pose moins de problèmes puisque les accords obligent la France à acheter, au prix fort, les hydrocarbures.
Préfigurant les accords migratoires de 1968, ceux d’Évian autorisent dès 1962 « tout Algérien muni d’une carte d’identité (à) circuler entre l’Algérie et la France ». Depuis, les facilités accordées à la venue des Algériens en France ont favorisé leur installation massive depuis des décennies faisant d’eux la communauté étrangère la plus importante du pays. L’obligation de visa en 1986 ne dévitalise pas l’immigration algérienne, encouragée à partir par Alger, pressée de s’installer chez l’ancien persécuteur honni.
La litanie des provocations fulminées par le pouvoir algérien pour culpabiliser notre pays puise sa matrice dans les « accords » d’Évian. Le FLN y trouva autant des droits que les moyens d’humilier la France. Les accords ultérieurs n’ont cessé depuis d’être animés de cette volonté de revanche sur l’ancienne puissance coloniale. Alger se dit aujourd’hui prêt au « rapport de force ». Ce n’est pas neuf, il l’a engagé depuis 1954. Mais, nous, sommes-nous prêts ?
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