Gérald Darmanin durcit le ton. Devant l’Assemblée de Corse, ce jeudi 27 février, le garde des Sceaux a affirmé la volonté de l’État d’intensifier la lutte contre la criminalité organisée. Accompagné de l’eurodéputé Leoluca Orlando, figure de la lutte antimafia en Sicile, le ministre de la Justice a détaillé un plan d’action inédit.
Parmi les annonces majeures, le garde des Sceaux a dévoilé la création à Bastia d’un pôle judiciaire spécialisé, chargé de lutter contre la criminalité organisée. Ce nouveau dispositif s’accompagnera du renforcement significatif des effectifs, avec l’arrivée de 17 magistrats, 21 greffiers et 12 attachés de justice d’ici vingt mois. Une mobilisation inédite, destinée à mieux combattre les réseaux criminels insulaires.
Au-delà des moyens humains, l’arsenal législatif sera également renforcé. Une circulaire pénale territoriale viendra préciser cette nouvelle doctrine, qui fera de la lutte contre le trafic de drogue et le blanchiment d’argent une priorité absolue. Par ailleurs, le gouvernement entend étendre les dispositifs de saisie des avoirs criminels, afin de frapper les organisations mafieuses au portefeuille.
Autre annonce majeure : la création d’un statut de repenti, visant à inciter les membres des réseaux criminels à collaborer avec la justice, y compris pour des crimes de sang. Une mesure inédite en Corse, qui pourrait potentiellement briser l’omerta, mais qui divise déjà la classe politique insulaire.
Des élus corses prudents
Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, salue un « moment politique majeur, un discours important, sans doute décisif », mais reste prudent. « Vous avez énuméré beaucoup de mesures et je vous demande le temps de les analyser, d’y réfléchir et d’échanger ensemble », a-t-il proposé au ministre de la Justice.
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Avant de poursuivre : « L’aggravation de la criminalité organisée et des dérives mafieuses partout en France, en Europe, dans le monde et en Corse commande et justifie d’adapter l’arsenal législatif. Nous souhaitons que cette adaptation et ce renforcement se fassent dans le strict respect des libertés individuelles et des libertés fondamentales. » Un positionnement qui reflète les réserves de l’Assemblée corse, notamment sur le statut de repenti, rejeté dans un rapport présenté l’après-midi même.
S’adressant directement aux élus corses, l’eurodéputé italien Leoluca Orlando a insisté sur la responsabilité de la classe politique locale face à ce fléau. Il leur a rappelé avec force la gravité de la situation et l’importance de leur engagement : « Si les maires ne se sentent pas le courage de combattre la mafia, ils doivent rester chez eux », a-t-il déclaré avec une grande fermeté.
Les collectifs antimafia réclament des actions concrètes
Par ailleurs, l’absence des principales réformes votées au Sénat dans les 30 propositions formulées par l’Assemblée de Corse a provoqué la stupeur des collectifs antimafia insulaires. Ces derniers réclament un engagement concret pour protéger ceux qui osent parler.
« Le discours du ministre nous satisfait, il met les pieds dans le plat. Il dit qu’il faut des outils contre cette criminalité singulière qu’est la mafia », a déclaré Jean-Toussaint Plasenzotti du collectif Massimu Susini, tout en martelant que seule une application concrète des mesures annoncées pourra réellement changer la donne.
Alors que l’histoire de la Corse est jalonnée de discours volontaristes restés sans lendemain, l’État devra prouver que cette fois, la lutte contre des réseaux criminels toujours puissants, dans un contexte où la classe politique insulaire reste divisée sur les moyens d’agir, ne se limite pas aux mots. Gérald Darmanin a promis de revenir en Corse au mois d’avril.
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