Une zone d’ombre budgétaire ? L’avertissement est formulé par Laurent Wauquiez. Le chef des députés LR a récemment mis sur le devant de la scène un dispositif méconnu lié aux coûts de l’immigration qu’il juge onéreux : le titre de séjour pour soins. Lors des débats sur l’aide médicale d’État (AME), régulièrement critiquée par la droite, Wauquiez a pointé du doigt cet autre dispositif qui, dit-il, permet de venir se faire soigner gratuitement en France, « même pour des étrangers venant de pays riches comme la Suisse ou les États-Unis ».
Si l’on ne dispose pas de chiffres précis sur son coût, l’ancienne députée LR de l’Orne et actuelle ministre du Commerce, Véronique Louwagie, avance une estimation. En se basant sur les dépenses de soin moyennes d’un bénéficiaire de l’AME, elle chiffre à 90 millions d’euros l’enveloppe pour les 30 000 bénéficiaires de titres de séjour pour soins. De son côté, Jordan Bardella, patron du Rassemblement national, a récemment déclaré qu’en cas d’accession au pouvoir, il mettrait fin à ce qu’il qualifie de « scandale des visas pour soins ». Un dispositif dont les principaux bénéficiaires sont les Algériens. « Je mettrai fin au scandale des visas pour soins qui fait que 40 % des visas demandés par des Algériens sur le sol français sont des visas pour soins, c’est-à-dire des visas pour se faire soigner dans notre pays, aux frais de la princesse », a-t-il déclaré.
Autre sujet de controverse : l’endettement de l’Algérie envers les hôpitaux français. Comme l’a révélé le journal L’Opinion le 20 janvier, les factures non réglées par des patients algériens dans les hôpitaux français, qu’ils soient détenteurs d’un visa touristique ou diplomatique, ont atteint 44,9 millions d’euros pour la seule année 2023 à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Un rapport du Sénat de 2018 confirmait déjà la venue régulière de ces patients algériens sur notre sol et précisait que leurs maladies « ne sont pas prises en charge par l’assurance exigée pour l’obtention de leur visa, celles-ci étant préexistantes à leur venue en France ».
Par souci déontologique et humanitaire, ces patients sont néanmoins pris en charge en France malgré « des risques d’impayés », avertissait le rapport sénatorial. D’ailleurs, la situation ne se limite pas aux patients anonymes. Des personnalités détentrices de passeports diplomatiques bénéficient de soins auprès d’éminents spécialistes en France et laissent derrière elles des factures salées et non réglées. Dernier exemple en date : à Lille, un membre du consulat algérien a laissé une ardoise de 30 000 euros, sans jamais en régler le moindre centime.
Quarté gagnant
Si les Algériens restent les principaux demandeurs de ce titre de séjour, c’est grâce à un accès facilité par l’accord franco-algérien de 1968, aujourd’hui dans le viseur du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Après eux, les Ivoiriens, les Géorgiens et les Congolais figurent parmi les nationalités qui sont les plus nombreuses à demander un séjour médical en France. Les pathologies prises en charge sont bien identifiées : maladies infectieuses, comme le VIH ou les hépatites virales, maladies du système sanguin, maladies endocriniennes, nutritionnelles ou métaboliques, telles que le diabète, soins psychiatriques…
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À cela s’ajoute un système aux contours flous et des frais difficiles à quantifier. C’est le constat dressé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) dans un rapport publié en 2022. L’organisme souligne que « les soins fournis aux étrangers malades dans le cadre de cette procédure sont sans limitation, avec un coût invisible ». L’impact financier est toutefois bien réel. « Le recours à certaines thérapies médicales ou médicaments onéreux est conséquent », détaille l’Ofii. Or, « il est simplement non visible puisque pris en charge de manière globale par l’Assurance maladie ». Un flou budgétaire que la droite juge inacceptable et entend supprimer à travers une proposition de loi visant à abolir le droit au séjour pour soins.
Un présentiel obligatoire
Autre dispositif coûteux pour l’argent des Français : l’AME, panel de soins pour les étrangers sans papiers qui gagnent moins de 10 000 euros par an. Ainsi, fin 2023, cette aide couvrait environ 450 000 bénéficiaires. Sur conditions de ressources, l’AME prend en charge 100 % des frais médicaux et hospitaliers de ces patients dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale, à condition qu’ils résident en France depuis au moins trois mois.
Une prise en charge à nouveau jugée trop généreuse par la droite sénatoriale, qui plaide depuis plusieurs années pour une transformation en aide médicale d’urgence. Dans la plupart des pays européens, les étrangers en situation irrégulière n’ont accès qu’aux urgences médicales, aux soins liés à la maternité et aux soins pour les mineurs.
Par l’éventail des soins couverts, l’AME fait figure d’exception par rapport à nos pays voisins et semble difficile à justifier dans un contexte d’augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu’elle constitue. Bien que le principe des soins d’urgence accessibles à tous soit indiscutable pour des raisons humanitaires, il donne lieu à de nombreux abus. « Le dispositif français se singularise sur certains points », note le rapport Evin-Stefanini relatif à l’AME publié en 2023. Parmi les particularités relevées : « la liste des exclusions du panier de soins est limitée ». Concrètement, l’AME garantit aux étrangers en situation irrégulière éligibles un accès aux soins presque équivalent à celui des Français. Seules « quatre exclusions symboliques » existent, parmi lesquelles l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA).
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