L’œil de Caïn devrait hanter la conscience de tous nos gouvernants. Le sang qui a coulé à Mulhouse est le sang de l’incurie. La politique a changé de nature, elle est devenue un art de l’esquive et de la compassion. François Bayrou a choisi – dans une fuite sémantique de vieux roublard – la rhétorique anticatholique de Voltaire pour qualifier le crime : « Le fanatisme a encore frappé… »
Quant au ministre de l’Intérieur, il s’est fait le greffier de son impuissance. Il met en scène son échec en présentant lui-même le dossier accablant du drame : le tueur était un OQTF qui n’aurait pas dû être présent sur le territoire français. Condamné pour apologie du terrorisme, il n’aurait pas dû être libre. Figurant sur le fichier des signalements, il n’aurait pas dû être libéré du centre de rétention. Bref, tout est à l’envers.
« Nos ministres le savent, ils se taisent, ils se tapissent, pour s’abriter de la “ploucaille” »
Par un effet de contraste saisissant, on pense à Trump avec la Colombie. Dans le Bureau ovale, la décision de renvoi des clandestins aura mis deux heures. Chez nous, la logorrhée des indignations dissimule deux faillites. La première est politique. Nos gouvernements successifs ont perdu le contrôle de l’immigration invasive. La veille de l’attentat était publiée la nouvelle « liste des métiers en tension » pour fournir des titres de séjour à une main-d’œuvre immigrée supplémentaire. Le nombre d’entrées légales va encore augmenter cette année. Les pompes aspirantes rutilent et fonctionnent à plein régime. Le nombre des OQTF avoisine les 100 000. On prolonge les courbes. On ne les redresse pas. C’est une débâcle. Le fiasco n’est pas que migratoire. Il est aussi diplomatique. Le Sisyphe de Beauvau déplore encore et encore, courbé sur le rocher qui dévale la pente sous ses yeux ulcérés.
L’autre faillite, plus grave encore, est idéologique. Nous butons sur deux tabous, deux sujets interdits au débat public. D’abord, le transfert du pouvoir par la classe politique à l’État profond européen. Aujourd’hui, c’est Bruxelles qui tient la frontière. Or, l’Europe a immolé son enveloppe charnelle. Et c’est Bruxelles qui tient le droit, supérieur à toute législation nationale. Le fameux Pacte asile et immigration va bientôt déverser dans nos campagnes les déboutés du monde entier. Nos ministres le savent, ils se taisent, ils se tapissent, pour s’abriter de la « ploucaille ».
Le deuxième tabou touche au pronostic vital du peuple historique français. L’immigration est le terreau de l’islam, qui est le terreau de l’islamisme, qui est le terreau du terrorisme. On n’a pas prêté attention au cri du tueur : « Allah Akbar ! » Depuis 2015, nous sommes toujours en « urgence attentat ». Plus de 4 300 fiches actives figurent au fichier des signalements. Les condamnés pour terrorisme qui sortent de prison – soixante-quinze par an – sont des bombes ambulantes. L’islamisation de la France nous infiltre. Le 24 décembre 2024, le patron du Renseignement territorial avouait au journal Le Monde : « Ce qui nous inquiète le plus sont les Frères musulmans… Ils veulent faire de la France un califat en imposant la charia. Leur entrisme touche tous les milieux. »
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Nous sommes au point de bascule : nos élites n’ont pas compris que c’est une guerre qui nous est faite. Elles composent une branchitude avachie qui ne se sent plus capable de porter le dépôt millénaire, qui rêve de sortir de soi, de s’abolir dans une histoire nouvelle, une histoire extérieure virile. Sourdement, les âmes veules cherchent un nouveau maître. Le nihilisme occidental, prenant congé d’une chrétienté flageolante, s’exerce à cette fascination étrange pour une religion forte qui permet de renouer avec la différenciation sexuelle, le combattant au feu, la femme au foyer. L’hédonisme consumériste finit ainsi sa trajectoire en venant, par une sorte de ruse hypnotique, se fondre dans son exact contraire. Un jour que je parlais avec Boualem Sansal, il m’a repris en ces termes vifs : « Ne me parlez pas d’un choc de civilisations à venir. Il n’y en aura pas. La vôtre s’est déjà couchée. »
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