
Léon Gambetta, grande figure de la IIIe République, orateur hors pair, l’avait juré : « Que pour tout le monde, il soit entendu que, quand en France, un citoyen est né, il est né soldat ! » C’était en 1871. Mais voilà, les temps ont changé, et, aujourd’hui, le président de la République, Jacques Chirac, a décidé d’abolir le service militaire, appelé aussi service national, après 199 ans d’existence. Il eût préféré, a-t-il dit, organiser un référendum sur la question mais l’article 11 de la Constitution l’en a empêché. Rompez !
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Alors, pourquoi cette suppression ? Deux idées directrices animent le chef de l’État : fonder une armée professionnelle et faire des économies, la France devant remettre ses finances dans les clous et ainsi préparer l’entrée dans l’euro.
Beaucoup, à gauche surtout, renâclent, considérant que le service militaire était un acte citoyen qui permettait d’accéder à une forme de maturité sociale. Chirac pourtant ne cède pas. Il estime que la situation géopolitique mondiale a été bouleversée par la chute du mur de Berlin et l’éclatement de l’URSS ; que le risque des grandes guerres s’est évaporé et que la France n’a plus aucune raison de recruter de simples bataillons.
Charles Millon, « son » ministre de la Défense l’a encouragé. Il dit : « Loin de souder la nation, le service aggrave les injustices. De plus, l’esprit civique, cela emmerde tout le monde ! »
Le fait est que le coût d’intégration de centaines de milliers d’hommes par an dans une myriade de casernes est exorbitant. Un appelé coûte 42 468 francs. Chirac insiste : « La suppression de la circonscription représente une économie de 14 milliards. »
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De surcroît, en plus d’être coûteux, le système de recrutement n’est plus adapté au temps moderne. L’une des grandes faiblesses du service national est ainsi l’injustice interne des recrues. Les jeunes issus des classes défavorisées sont le plus souvent engagés dans l’armée de terre pour des tâches ingrates et primaires tandis que les fils de bourgeois se retrouvent dans des postes honorables ou à l’étranger. Pour Chirac, la professionnalisation de l’armée contournera le problème, de même qu’elle permettra de mieux s’adapter aux guerres modernes.
Bref, l’armée française devrait gagner en efficacité. Dans le JDD, le capitaine Denis Gillard-Chevallier, au front à Sarajevo, témoigne : « C’est la fin d’une époque, mais c’était inévitable. Il est tellement plus gratifiant de diriger des gars qui sont là pour faire leur métier plutôt que des appelés que ça ennuie de faire leur service. » L’exemple français ferait tache d’huile en Europe. Mais pas en Corée du Nord où le service militaire continue d’être le plus long du monde : les hommes en bonne santé y servent 10 ans et les femmes, 6 ans !
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