Dans l’usine numéro 1 de Saint Jean, à Romans-sur-Isère, trois bras robotisés s’activent avec une précision chirurgicale, dans un mouvement presque hypnotique. En une fraction de seconde, les petites ravioles fraîchement formées sont délicatement découpées, séparées par un film intercalaire avant d’être déposées dans des barquettes pour être conditionnées puis vendues.
« Nous avons acquis ces machines en 2009. Avant, ce travail se faisait quasiment à la main », explique Guillaume Blanloeil, président de Saint Jean, qui évoque un art complexe : « La grosse difficulté de la raviole, c’est qu’il faut amener une pâte à base de farine de blé tendre à 0,7 millimètre d’épaisseur ! » Pour accomplir cette tâche minutieuse, la fabrique cache un secret jalousement gardé : le moule à ravioles. C’est lui qui façonne la pâte pour en faire ces petits carrés à la texture fine et régulière qui ont fait leur renommée. « Nous sommes seuls à posséder la totalité des plans du moule. Les fournisseurs des pièces ne reçoivent que ceux de la partie qui les concerne pour éviter des fuites chez la concurrence », souligne le patron.
Un savoir-faire unique
Il faut remonter en 1935 pour trouver l’origine de cet outil de haute précision quand Émile Truchet, un restaurateur de la région, décide de fabriquer une machine pour produire en plus grande quantité cette spécialité appréciée des clients. Avec l’aide du petit-fils d’une « ravioleuse » de la région, seul détenteur de la recette originelle dont les premières traces remontent au XVIe siècle, il monte sa petite entreprise. Sans ces deux hommes, ce mets emblématique du Dauphiné aurait bien pu tomber aux oubliettes. Ce sont, au contraire, les prémices d’une success-story sous la conduite d’un entrepreneur de la région, Claude Gros, qui rachète la société en 1992 et la fait entrer en Bourse.
Une garantie sur l’origine et un gage de qualité de savoir-faire
« Au fil du temps, Saint Jean s’est développée et diversifiée avec d’autres produits, comme la quenelle ou les pâtes, relate Guillaume Blanloeil. Nous avons bénéficié du développement des marques terroirs dans la grande distribution, comme Reflets de France, en 1998, chez Carrefour, puis de l’obtention du label IGP pour nos ravioles en 2010. » Une garantie sur l’origine et un gage de qualité et de savoir-faire qui deviennent la marque de fabrique de l’entreprise. « On travaille avec des ingrédients de nos terroirs comme le beurre de Bresse pour les quenelles, le bleu du Vercors, le comté du Jura ou la noix de Grenoble pour la farce des pâtes et ravioles. Le persil vient de la Drôme. On privilégie les producteurs locaux et les AOP. Nous sommes en recherche d’excellence ! » abonde Harmonie Dubuc, chef de projet recherche et développement.
Pour son approvisionnement en œufs, le groupe rachète la petite entreprise familiale Deroux Frères en 2020. « Ils voulaient vendre, et c’était la seule société qui répondait à notre strict cahier des charges », explique Guillaume Blanloeil. Aujourd’hui, 18 000 tonnes de produits, dont 31 % de ravioles, sortent des cinq sites situés en Auvergne-Rhône-Alpes. En 2023, le groupe a investi 82 millions d’euros dans l’agrandissement du site de Romans-sur-Isère, pour tripler sa capacité de production de pâtes fraîches. « Entre 2002 et aujourd’hui, on est passé de 15 à 118 millions de chiffre d’affaires », se félicite le PDG qui vise les « 175 millions d’euros d’ici 2030 ».
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Pour accompagner cette croissance, il mise sur l’augmentation des exportations, en particulier aux États-Unis : « Nous accélérons sur ce marché américain à très haut potentiel. Nous sommes déjà présents dans de nombreux beaux restaurants sur les côtes est et ouest. Les Américains aiment le Made in France et sont fascinés par ces produits dont l’origine est plus ancienne que leur propre histoire ! », s’enthousiasme le dirigeant qui peut aussi compter sur le soutien de la municipalité de Romans-sur-Isère.
« Nous travaillons en étroite collaboration avec le groupe Saint Jean et son PDG, explique la maire Marie-Hélène Thoraval. Saint Jean représente 350 emplois ici, c’est un acteur majeur du territoire qui est non seulement un moteur pour l’économie, mais qui joue aussi un rôle sociétal important avec le financement de plusieurs dispositifs comme la réussite éducative ou la renaturation de nos terres : pour leurs 90 ans, ils ont par exemple planté 90 arbres ! ». L’édile rappelle aussi que sa ville organise, avec le soutien financier de Saint Jean, la grande fête populaire de la raviole, chaque week-end de la Pentecôte. « On m’interroge souvent sur des faits plus sombres qui se sont déroulés ici, mais Romans-sur-Isère, c’est aussi un territoire dynamique où des industries comme Saint Jean, aiment s’installer… »
En chiffres
Chiffre d’affaires : 115,6 millions d’euros
Collaborateurs : 521
Croissance en 2023 : 10,7 %
Œufs commercialisés : 130 millions
Source : Lire Plus