Neuf attelages de quatre chevaux, lancés au galop sur une piste circulaire de 1 400 mètres de long. La scène, devenue culte, du film Ben-Hur dure près de trente minutes et a nécessité 78 jours de tournage. Certes, les 2 300 réunions de courses de trot ou de galop qui se déroulent tout au long de l’année n’offrent pas le même spectacle – heureusement pour les jockeys et leurs partenaires –, mais elles font vibrer des millions de parieurs dans les bars PMU et autour des hippodromes. Et, plus qu’un énorme business trop souvent associé aux jeux d’argent de la FDJ ou des casinos, c’est un écosystème économique, patrimonial et agricole.
À sa tête, deux associations à but non lucratif chargées de l’organisation et des relations avec les éleveurs, les entraîneurs, le monde du cheval au sens large. France Galop, dirigée par Guillaume de Saint-Seine, et la Société d’encouragement à l’élevage du trotteur français (SETF), présidée par Jean-Pierre Barjon. Tous deux propriétaires, éleveurs et passionnés bénévoles au service du cheval. Le jeu n’étant que la partie émergée de l’immense iceberg dont ils ont la charge.
« La particularité de notre filière qui ressemble en tous points à un sport, c’est qu’on fait courir des chevaux. On ne fait pas tourner des boules de loto, précise Guillaume de Saint-Seine. L’activité de paris n’est que la face visible d’une industrie qui fait naître des chevaux, les élève, les prépare. Ce sont des organismes vivants, une filière d’emplois, une filière agricole. » Au point d’avoir sa propre école, l’Association de formation et d’action sociale des écuries de courses (Afasec), fondée en 1988, qui forme chaque année 750 jeunes, de la quatrième au bac pro, aux métiers de la course hippique. Quelques chiffres encore : le PMU fait vivre 14 000 éleveurs, 2 000 entraîneurs, et travaille avec 10 000 propriétaires, en tout près de 40 000 emplois induits.
Le PMU fait vivre 14 000 éleveurs et génère 40 000 emplois
À l’autre bout de la piste, les parieurs bien sûr, mais pas seulement. Les hippodromes ont accueilli plus de 2 millions de visiteurs l’an dernier. « Ce sont des points de rendez-vous de toutes les classes sociales, détaille Jean-Pierre Barjon. Le week-end, dans les hippodromes des petites villes et villages, les courses représentent une fête qui rassemble 1 000, 1 500 personnes, dans un grand brassage. » Les courses de Craon, en Anjou, village d’à peine 5 000 âmes, attirent jusqu’à 18 000 visiteurs sur un week-end autour du trot, du galop et de la course d’obstacles. Plus forte encore est l’affluence dans les villages de France où des millions de paires d’yeux scrutent les courses sur les écrans des bars PMU, dans les coins les plus reculés. À l’image des points de Poste qui relient les Français entre eux, les 14 000 bars PMU résistent encore et toujours à la désertification et à l’abandon.
« Dans un village, quand le PMU ferme, en général, c’est le café local qui ferme et le relais Poste, décrypte Guillaume de Saint-Seine. Nous participons à notre façon à l’aménagement du territoire, à la cohésion du pays. » Les associations équines consacrent 900 millions d’euros chaque année à l’entretien des hippodromes et au soutien aux PMU. Un rôle quasi politique qui explique l’attachement des maires à ces institutions sociales. France Galop et la Société du trotteur français sont présentes à leur salon chaque année, comme elles tiennent leur place au Salon de l’Agriculture.
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Explosion du jeu en ligne
Ce que les maires savent pourtant, le grand public l’ignore, et l’État a failli le négliger dans le maelström du feuilleton budgétaire au cours duquel le pari hippique aurait pu être sacrifié. Unique au monde, ce modèle de filière agricole, autosuffisant, s’est retrouvé résumé à la seule dimension des paris, de l’appât du gain. Les gouvernements Barnier et Bayrou envisageaient de lui infliger la même potion que celle promise à la FDJ et aux casinos, entreprises qui n’ont rien d’associations à but non lucratif. Fiscalement, le PMU contribue déjà à hauteur de 850 millions d’euros au budget de l’État et abonde le PIB à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Les comptables de Bercy envisageaient de lui infliger près de 100 millions d’euros de fiscalité supplémentaires avant de se raviser, après force lobbying et efforts de pédagogie. Un répit d’autant plus nécessaire que l’explosion du jeu en ligne a fragilisé celui des courses.
« Le produit brut des jeux (mises des paris, gains perçus par les parieurs) du jeu on-line a généré de 0 à 2,4 milliards de gains en dix ans ; le produit brut des paris hippiques du PMU, sur la même période, est tombé de 2,3 milliards à 1,7 », explique Guillaume de Saint-Seine. Un écart qui encourage le pari hippique à faire sa révolution. Le Conseil constitutionnel vient de valider l’évolution de la réglementation de 1891. Désormais, les parieurs pourront miser en direct, après le départ d’une course jusqu’au couperet de la ligne d’arrivée. Une sorte de live betting (paris en direct) qui dope l’engouement des parieurs sur les matchs de football ou de basket.
« Vous pouvez jouer en étant moins expert et plus intuitif, détaille Jean-Pierre Barjon. Est-ce que celui qui est en tête va le rester ? Est-ce que le poursuivant va revenir ? C’est une autre façon de jouer qui va, nous l’espérons, attirer des nouveaux parieurs, plus jeunes, qui se passionnent pour le jeu on-line depuis dix ans. » Autre évolution, la possibilité de réutiliser des courses « historiques » courues dans le passé en les anonymisant, qui pourront être à nouveau support de pari mutuel ou de nouveaux jeux hippiques. De nouvelles sources de revenus destinées à continuer à faire vivre le monde du cheval, et non à dégager des dividendes ou à soutenir un cours de Bourse, puisque la filière reverse l’intégralité du solde de ses recettes à ses acteurs agricoles, soit près de 600 millions d’euros.
Le PMU en chiffres
9,6 milliards d’euros : le volume des mises des paris hippiques
7,3 milliards d’euros : le montant total des sommes payées aux parieurs
1,5 milliards d’euros : ressources reversées à la filière cheval, aux hippodromes et soutien aux bars PMU
850 millions d’euros : le montant de la fiscalité reversée à l’État
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