Le JDD. Le Maroc aurait choisi votre concurrent israélien pour un contrat de 36 pièces d’artillerie autotractées. Rabat se serait plaint de problèmes récurrents sur les canons Caesar…
Nicolas Chamussy. Si les forces marocaines avaient estimé que le canon Caesar n’était pas une bonne solution, elles n’en auraient pas commandé 36. Elles ont acquis non seulement ces canons, mais aussi les véhicules d’accompagnement, d’observation et le système de conduite des feux, qui contribuent à la performance globale et s’interfacent avec leurs systèmes de commandement.
Tous les véhicules ont été livrés conformément aux engagements et dans les délais. Certes, quelques difficultés techniques sont apparues et ont été résolues, comme c’est le cas pour tous les systèmes, nécessitant parfois un remplacement d’équipement ou une correction logicielle. Cependant, la sécurité du système n’a jamais été remise en cause. Les artilleurs marocains peuvent l’utiliser en toute confiance.
Selon cet article, les systèmes reçus par le Maroc ne fonctionnent pas correctement…
Le caractère opérationnel du Caesar et de son système n’a jamais été mis en question. Nos matériels sont les mêmes au Maroc que dans d’autres pays, et ils fonctionnent partout à la grande satisfaction des utilisateurs, par exemple en Ukraine. Aujourd’hui, près de 700 systèmes ont été commandés, livrés ou sont en cours de fabrication.
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Trois ans après l’instauration de l’économie de guerre, KNDS semble en ordre de marche.
Un exemple concret : l’Estonie a commandé des canons Caesar en juin 2024, et nous avons livré les six premiers avant leur Fête nationale du 24 février. Voilà ce qu’est une économie de guerre en pratique. Avant le conflit en Ukraine, nous produisions entre 10 et 15 systèmes Caesar par an. L’an dernier, nous en avons livré 43, et nous en visons 65 l’année prochaine. Cette montée en cadence est possible grâce à une réorganisation de toute la chaîne de production, y compris nos fournisseurs.
Un leurre gonflable pour le Caesar ?
D’ici la fin de l’année, l’Ukraine aura reçu près de 110 canons Caesar. D’autres livraisons sont-elles prévues malgré la volonté de Donald Trump d’une paix rapide ?
Tout ce qui est prévu sera livré. Nous espérons tous une paix en Ukraine, quel qu’en soit le chemin, mais cela prendra du temps. Même en cas de cessez-le-feu, Kiev aura besoin de ces systèmes pour assurer sa défense.
Quel retour d’expérience tirez-vous du conflit en Ukraine, pour améliorer vos produits ?
En coordination avec la DGA et l’armée de Terre, nous avons mis en place le Club Caesar, un espace d’échange avec les utilisateurs de Caesar pour recueillir leurs retours d’expérience. Ce qui ressort du conflit en Ukraine, c’est que le Caesar s’en sort très bien face à d’autres systèmes, grâce à sa portée, sa précision, sa robustesse et sa simplicité d’utilisation. Il incarne parfaitement le principe du shoot and scoot : s’arrêter, tirer, repartir rapidement avant d’être pris pour cible. Cette caractéristique est très appréciée et confirmée par de nombreux rapports de terrain.
Envisagez-vous des pistes d’amélioration pour ce matériel ?
Je ne peux pas entrer dans les détails, mais certains utilisateurs souhaitent de nouvelles fonctionnalités. Lors d’une démonstration, un drone de surveillance ennemi a confondu un leurre gonflable avec un véritable Caesar. Nous ne fabriquons pas ce type de matériel, mais nous collaborons avec des entreprises capables de fournir ces solutions complémentaires.
KNDS produit à la fois des canons et des munitions. Quel est l’intérêt d’allier ces deux métiers ?
Maîtriser à la fois le canon et l’obus permet de maîtriser et d’optimiser leur interaction, tout en garantissant la sécurité des utilisateurs. Les efforts mécaniques impliqués sont colossaux : un pilote de chasse encaisse jusqu’à 12 G, tandis qu’un obus subit des accélérations longitudinales et tangentielles qui peuvent dépasser 15 000 G. Il s’agit d’efforts colossaux qu’il est important de maîtriser.
Près de 90 % de vos fournisseurs se situent en France. Expliquez-nous ce choix
L’autonomie stratégique est une composante essentielle de l’économie de guerre. Nous ne pouvons pas dépendre excessivement de fournisseurs étrangers. Les premières semaines de la guerre en Ukraine ont permis de constater notre dépendance à des fournisseurs étrangers de poudre pour les systèmes d’artillerie, parfois concurrents, la France ne disposant plus à l’époque de sites de production. La décision a donc été prise par le gouvernement de construire une usine dédiée, qui entrera bientôt en service.
Quelle est votre position sur le programme européen pour l’industrie de défense (EDIP) porté par la Commission européenne, qui permettrait notamment de financer du matériel américain ou sud-coréen ?
Une stratégie européenne de défense accompagnée d’outils financiers est une bonne chose. Mais si ces financements renforcent des entreprises étrangères concurrentes et affaiblissent notre autonomie stratégique, alors, en tant que contribuable européen, je ne peux pas être d’accord. Les instruments communautaires doivent renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne, pas soutenir la concurrence extérieure.
« Renforcer la concurrence en achetant des produits étrangers diminue l’autonomie stratégique européenne »
Il est également crucial que l’autorité de conception des systèmes militaires européens reste européenne. Maintenir par exemple la capacité d’emporter des bombes ou missiles sous des avions de combat, nécessite d’en détenir l’autorité de conception. Avec le Caesar, nous avons une liberté totale d’évolution, sans dépendance extérieure.
Votre groupe, KNDS, a un siège social aux Pays-Bas et des actionnaires allemands. L’autonomie stratégique est-elle comprise de la même manière par vos partenaires étrangers ?
La perception du concept d’autonomie varie selon les pays, mais les divergences d’intérêt avec les États-Unis vont probablement faire évoluer ces différences d’appréciation. Renforcer la concurrence en achetant des produits étrangers diminue l’autonomie stratégique européenne. Aujourd’hui, tout le monde comprend j’espère l’importance de préserver notre souveraineté.
Pour finir, pouvez-vous nous dire l’état du projet de char du futur franco-allemand ?
Le programme avance rapidement, porté par le contexte géopolitique actuel et sous l’impulsion forte des deux ministres français et allemand des armées. Le 23 janvier, KNDS Allemagne, KNDS France, Thales et Rheinmetall ont signé un pacte d’actionnaires pour créer la société de projet MGCS, qui pilotera les activités industrielles de ce programme pour lesquelles un contrat est en cours de négociation avec les administrations des deux pays.
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