En l’espace d’une semaine, trois événements distincts ont jeté une lumière crue sur le sentiment de dépossession qui ne cesse de monter chez une grande partie des Français. Ces trois faits nous ont permis d’entrer par effraction dans les coulisses du pouvoir judiciaire, politique et médiatique. Chaque séquence, loin d’être anecdotique, porte en elle une leçon souvent dévastatrice sur un pouvoir qui n’en a plus que le nom.
Ubuesque. C’est le mot qui est le plus souvent revenu dans le débat public pour décrire la situation dans laquelle s’est retrouvé Robert Ménard après avoir refusé de marier un citoyen algérien en situation irrégulière, visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Convoqué devant le tribunal judiciaire de Montpellier, le maire de Béziers n’a pas cédé une once de terrain en refusant de plaider coupable au nom du simple principe du bon sens. Droit dans ses bottes, tout en reconnaissant avoir commis une illégalité, l’élu a défendu un choix guidé par la nécessaire protection des citoyens.
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« Je ne comprends pas qu’on m’oblige à marier quelqu’un qui ne devrait pas être en face de moi dans la salle des mariages puisqu’il a l’obligation de quitter le territoire », a-t-il calmement expliqué devant une forêt de caméras et de micros. Rarement une phrase n’a autant symbolisé la déliquescence d’un système jurisprudentiel exploité jusqu’à la moelle par des sans-frontiéristes à contre-courant de la volonté des peuples, y compris de gauche. À cause d’une interprétation extensive du « droit aux épousailles », la Cour européenne et le Conseil constitutionnel ont démontré combien l’état du droit imaginé par les juges est éloigné de l’état réel de la société.
Dépossession politique
Légitimité. C’est l’autre mot qui a occupé les esprits cette semaine. Quelle est la légitimité de Richard Ferrand à la tête de la plus haute juridiction ? « Est-ce qu’il vaut mieux, chez les Sages, un juriste connu pour ses mérites et son indépendance ou bien un courtisan ? » s’est interrogé David Lisnard au lendemain de l’approbation de la nomination à une voix près de l’ancien président de l’Assemblée nationale. Un tel passage ric-rac accompagné d’un baiser de la mort de Marine Le Pen restera sans doute dans les annales de l’histoire des institutions de la République comme un incroyable coup de force du président.
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Les censeurs d’aujourd’hui seront les censurés de demain
Certains estiment peut-être qu’Emmanuel Macron a pris son risque et qu’il a réussi son coup. Pour ma part, sans juger des qualités de Richard Ferrand et en évitant de tomber à bras raccourcis sur l’homme, je suis sidérée de voir le chef de l’État instiller ainsi le poison du soupçon auprès de l’arbitre suprême de la constitutionnalité dans un pays usé démocratiquement. Si prompte à défendre l’État de droit, une grande partie de la macronie s’est assise cette semaine sur le droit au nom de la « République des copains d’abord ».
Dépossession médiatique
Censure. Tandis que certains se sont félicités de la fermeture d’une chaîne de télévision en France, un mot a résumé une situation sans précédent cette semaine avec la confirmation du Conseil d’État, celui de censure. La première chaîne de la TNT, C8, n’était pas la « bonne » chaîne aux yeux de nombreuses belles âmes qui font toujours rimer liberté
avec leurs idées. Le fait du prince n’a jamais été aussi puissant. Et peu importe si les téléspectateurs-citoyens se voient priver de leur divertissement préféré. Reste que le réveil risque d’être brutal dans un pays où une autorité administrative s’arroge le droit de renvoyer des centaines de salariés sous les hourras d’idiots utiles d’une fausse « régulation » qui bientôt s’appliquera à tous. Alors, Messieurs les censeurs, à défaut de vous dire bonsoir, on vous dit bon courage, car n’en doutez pas, les censeurs d’aujourd’hui seront les censurés de demain. Ainsi va notre pays où la dépossession n’épargne plus personne. Y compris ceux qui l’organisent.
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