Né d’une fusion controversée en 2020 entre l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), l’Office français de la biodiversité (OFB) devait incarner la grande ambition environnementale de la France. Cinq ans plus tard, l’institution est sous le feu des critiques. Accusé d’être un gendarme trop répressif, jugé hors-sol et prisonnier de son administration tentaculaire, l’OFB traverse une crise de confiance profonde.
Fusionner l’AFB, pilier de la préservation écologique, et l’ONCFS, bastion de la gestion cynégétique, relevait du défi. La place des chasseurs dans la gouvernance a enflammé les débats parlementaires de 2019 : fallait-il leur accorder un rôle décisionnaire dans un organisme consacré à la protection de la nature ? Le compromis final leur a octroyé 10 % des sièges au conseil d’administration, une concession qui n’a satisfait ni les défenseurs de l’environnement ni les acteurs de la chasse.
La bête noire des exploitants
Au-delà des tensions politiques, la fusion, pilotée par Pierre Dubreuil, premier directeur général de l’OFB, s’est déroulée dans l’urgence. Il a fallu, en moins d’un an et en pleine crise sanitaire, réorganiser 3 000 agents, harmoniser des méthodes de travail divergentes et définir une identité commune. Mais les différences de conception du métier, le manque de formation et l’extension des compétences à de nouvelles missions ont provoqué une chute des résultats opérationnels. En outre, la crise sanitaire a amplifié ces tensions, freinant l’acculturation des équipes et entraînant une démotivation généralisée, comme en témoignent les 52 signalements de souffrance au travail recensés dès 2020.
En 2023, un rapport du Sénat dresse un constat sévère : l’office est perçu comme un censeur, une police de l’environnement plus prompte à sanctionner qu’à accompagner. Dans le monde agricole, l’OFB est devenu la bête noire des exploitants. Inspections jugées tatillonnes, réglementations complexes, amendes salées : la tension est à son comble. Début 2024, au plus fort de la crise agricole, la colère s’était notamment portée sur cette « police de l’environnement ». Depuis, les actions ciblées se succèdent, s’intensifiant depuis le mois de novembre.
Des initiatives voient le jour, mais seront-elles suffisantes ?
Autre critique majeure, l’OFB pâtit d’une centralisation excessive qui l’éloigne des réalités du terrain. Le rapport du Sénat pointe une administration rigide, incapable de s’adapter aux spécificités locales. Les collectivités, pourtant partenaires clés, dénoncent un manque de dialogue et une approche trop descendante. Conscient de ces tensions, Olivier Thibault, directeur général actuel, plaide pour un changement de cap : « Nous avons pleinement conscience de la nécessité d’ancrer l’OFB dans les territoires. »
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De nombreux élus jugent la réglementation imposée sans concertation, ignorant les contraintes économiques locales. En plus de ces difficultés structurelles, avec un budget amputé et des effectifs en tension, l’OFB peine à remplir ses missions. La baisse du prix du permis de chasse a privé l’institution de 21 millions d’euros de recettes, et l’essentiel de son financement repose sur les agences de l’eau (qui devront verser 417,9 millions d’euros à l’OFB en 2025), elles-mêmes sous pression budgétaire.
Rétablir la confiance
Parallèlement, les fédérations de chasse fustigent le recul de l’OFB en matière de police de la chasse. Les patrouilles sont réduites, les contrôles assouplis, et le braconnage facilité. Historiquement, les gardes-champêtres incarnaient cette présence locale, un suivi quotidien de la faune et un intermédiaire entre chasseurs, agriculteurs et autorités, assurant médiation et surveillance. Alors que leur nombre diminue d’année en année, le parallèle avec l’OFB met en lumière un enjeu fondamental : la capacité de l’office à trouver un équilibre entre contrôle efficace et proximité avec les acteurs locaux.
Trop puissant pour être démantelé, trop contesté pour continuer comme si de rien n’était
Que faire de l’OFB ? Le rapport du Sénat appelait à un changement profond : renforcer la territorialisation, repenser la gouvernance, mieux calibrer les missions. Olivier Thibault, lui, mise sur la pédagogie et la communication pour apaiser les tensions. Des initiatives voient le jour : réunions avec les agriculteurs, formations, élaboration d’une charte de déontologie pour les agents. Mais ces mesures seront-elles suffisantes ? L’OFB est à la croisée des chemins. Trop puissant pour être démantelé, trop contesté pour continuer comme si de rien n’était. Sa mission est cruciale : face à l’effondrement de la biodiversité, la France a besoin d’un établissement fort. Reste à savoir s’il saura s’adapter aux attentes du terrain et rétablir la confiance avant d’être emporté par la tempête.
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