
« Oh la vache ! » L’exclamation à l’entrée ne vise pas la star Oupette, l’égérie limousine du salon, mais l’imposante moissonneuse-batteuse New Holland, quatre mètres de haut, 12 tonnes d’un jaune éclatant. Le public bruit du plaisir des retrouvailles avec des odeurs et des couleurs familières : « Je ne louperais le salon pour rien au monde », s’exclame Sarah, à qui le chaos de l’ouverture avait fait « mal au cœur » l’an dernier. Même satisfaction d’un retour au calme du côté de la Normandie qui expose ses fromages : « L’année dernière, on n’avait rien pu faire jusqu’à 16 heures, alors qu’on était la race de vache à l’honneur ! »
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Cette fois, le pavillon des animaux prend vie peu après l’ouverture, malgré la déambulation présidentielle qui en perturbe une partie. Ursula, beau spécimen du « porc cul noir limousin », somnole sans trop se préoccuper de la nouvelle vision de son homonyme de la Commission européenne, qui a annoncé une meilleure prise en compte des attentes du monde agricole. Les éleveurs, au lendemain de leur pot traditionnel, sourient de la perplexité des citadins : « C’est un taureau ou une vache ? » Cécile les absout : « Le salon permet de reconnecter les gens à cette vie de campagne. » Une mère de famille objecte que le salon n’est pas l’apanage des Parisiens : « On vient de Normandie, on connaît bien les vaches ! »
« Qui est-ce ? » entend-on au passage d’une petite délégation : c’est Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, accompagné du chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch – le Maroc est l’invité d’honneur cette année, au grand dam de Véronique Le Floc’h, qui en voit surtout les exportations… La présidente de la Coordination rurale s’est entretenue avec Emmanuel Macron, qui a reçu tour à tour les quatre principaux syndicats, un quart d’heure chacun, avant l’inauguration. Bilan ? « On n’aura bientôt plus rien à se dire », soupire Véronique Le Floc’h. Les attentes sont moins virulentes mais demeurent ardentes. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a fait part à Emmanuel Macron des inquiétudes liées à la situation internationale. Jérôme Bayle n’était pas convié mais il parade, après avoir remporté la chambre de Haute-Garonne avec sa liste indépendante des « Ultras de l’A64 » aux récentes élections, et rappelle que les agriculteurs doivent rester unis. Derrière lui, une escouade de CRS arrive au petit trot… Le dispositif est moins musclé que pour le huis clos Potemkine de l’an dernier, mais reste important et plusieurs « bonnets jaunes » de la Coordination rurale sont fermement « filtrés » tout au long de la journée.
La ministre Annie Genevard a gagné l’indulgence du monde agricole
Au pavillon des régions de France, riche en costumes traditionnels, bérets, foulards et marinières, une équipe de rugby du Lot se régale de la charcuterie de Nicole et les bons vivants sont déjà bien abreuvés… Pendant ce temps, Emmanuel Macron s’attache à déminer : non au Mercosur et à la décroissance, oui au renouvellement des générations, du calme avec l’Office français de la biodiversité… Il veut tout apaiser, répond volontiers à d’autres sujets d’actualité, salue et encourage le retour au calme. Sans être vraiment chahuté, même si certains grommellent dans son sillage… Annie Genevard, qui l’accompagne, est épargnée par les remontrances : la ministre a gagné l’indulgence du monde agricole.
L’avenir reste une préoccupation : la « Miss Agricole 2025 », Gabrielle Priolio, veut « encourager les jeunes à s’engager dans l’agriculture ! Pour ça, il faut que des choses changent vraiment », avance la charmante brune aux yeux clairs en évoquant la charge administrative qui pèse sur le maraîchage familial. Alexandre Humeau, l’éleveur d’Oupette, a lancé le même cri d’alarme à Annie Genevard, venue les accueillir la veille. Matthieu, maraîcher dans les Hauts-de-France, revient sur la fierté française, le thème de ce salon : « Fiers de quoi ? Des paysans qui meurent ? De l’importation qui augmente au détriment de nos produits ? » À l’unisson d’une grande partie de la profession, qui joue le jeu de ce rendez-vous de fête, toujours fière, mais parfois amère.
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