C’est un simple prêtre, un humble curé de campagne angevin, qui aurait pu rester anonyme. Nommé curé en 1788, au Louroux-Béconnais près d’Angers, il veut vivre comme un pauvre, se dépouille de tous ses biens, donne ses vêtements et son linge… Mais la fureur de la Révolution va constituer un tournant dans sa vie.
Après une série de lois anticléricales, la Constitution civile du clergé est votée le 12 juillet 1790. Chaque curé est désormais élu par les citoyens, croyants ou non, et tous les prêtres doivent prêter serment. Après avoir étudié le texte – car il est lettré –, l’abbé Noël Pinot refuse de s’y soumettre et le 27 février 1791, il monte en chaire pour expliquer pourquoi à ses fidèles.
Dans cet Anjou gagné par les guerres de Vendée, il ne s’agit pas pour lui d’un combat politique, mais il veut continuer à administrer les sacrements à ses ouailles, et surtout, ne pas devenir un fonctionnaire, payé par l’État, d’une Église nationale, gallicane, et donc séparée du pape.
Sa fidélité va à l’évêque de Rome, Pie VI, qui condamne le texte quelques mois plus tard, et à la très grande majorité d’évêques français qui refusent cette Constitution inique – seuls 4 sur 133 l’ont approuvée selon l’étude de Xavier Maréchaud, Les prêtres réfractaires (éd. Honoré Champion). « Il veut pouvoir célébrer librement et dignement le culte », souligne le père Kevin-Emmanuel Labbé, auteur de Prier 15 jours avec l’abbé Noël Pinot (éd. Nouvelle Cité). L’État n’a pas selon lui à gérer le spirituel, conformément à une saine vision de la laïcité.
Arrêté le 5 mars, l’abbé Pinot devient le premier prêtre incarcéré d’Anjou, avant d’être proscrit car « réfractaire » comme on appellera tous ceux – nombreux – qui refuseront cette Constitution. Pendant trois ans, commence alors pour lui une vie de clandestinité. Il se cache, déguisé en paysan, célèbre la messe la nuit dans une grange, un grenier ou une étable, catéchise les enfants, prépare des fiancés au mariage.
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Le 8 février 1794 à minuit, il s’apprête à dire la messe quand les républicains entourent la ferme où il se trouve. Dénoncé par un ancien paroissien contre de l’argent – comme Judas pour le Christ – on le découvre dissimulé dans un coffre en bois. Sa « passion » commence. On le frappe, on lui crache au visage, on l’insulte… Les révolutionnaires profanent les hosties consacrées qu’il porte sur lui. À Angers, il est mis au trou, au pain sec et à l’eau. Après dix jours de détention, il comparaît devant le tribunal spécial présidé par un prêtre défroqué, qui le condamne à la peine de mort.
Sur la place du Ralliement, la guillotine est installée à l’endroit même où se trouvait l’autel de l’ancienne église Saint-Pierre, fréquentée par Noël Pinot. Ainsi sa mort sera-t-elle sa dernière messe : vêtu de ses habits sacerdotaux, il monte à l’échafaud comme il montait à l’autel, et ses derniers mots rapportés par la tradition auront été : « Introibo ad altare Dei » – « Je m’approcherai de l’autel de Dieu », qui sont les premières paroles de la messe en latin. C’était le 21 février 1794, un vendredi à 3 heures – comme le Christ… Il avait 47 ans.
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