Après cinq ans d’« acharnement administratif et judiciaire », le Rocher Mistral passe à l’offensive. Le parc à thème provençal a déposé une plainte contre X en avril dernier, réclamant réparation pour les préjudices matériels et moraux subis depuis son ouverture en 2021. L’aventure du Rocher Mistral débute fin 2019, lorsque l’entrepreneur et metteur en scène Vianney d’Alançon acquiert le plus vieux château de Provence : le château de la Barben. Son projet ambitieux ? Redonner vie à cet édifice médiéval en le transformant en parc à thème dédié à l’histoire de la Provence. Le défi est de taille : en plus des travaux de restauration, il faut recruter des acteurs, écrire des spectacles, acquérir les décors et les équipements nécessaires…
La dynamique s’installe rapidement. En 2021, le parc ouvre ses portes au public et attire les visiteurs, impatients de découvrir les 12 spectacles proposés, de jour comme de nuit. Ils embarquent avec le corsaire Forbin dans son expédition au large des côtes asiatiques, vibrent avec les paysans révoltés contre le cardinal de Richelieu et, à la nuit tombée, assistent à un grand son et lumière sur l’épopée napoléonienne. Depuis son inauguration, plus de 100 000 visiteurs affluent chaque année au château des marquis de Forbin. Mais avec le succès viennent aussi les ennuis.
Campagne judiciaire et politique hors normes
Dès ses débuts, le Rocher Mistral devient la cible d’une intense campagne judiciaire et politique. Les plaintes et polémiques se multiplient contre le projet de Vianney d’Alançon, accusé notamment de menacer une colonie de chauves-souris protégées. Après avoir remporté plusieurs batailles judiciaires, il est finalement condamné en février 2024 par le tribunal d’Aix-en-Provence à deux amendes avec sursis de 70 000 et 20 000 euros. À cela s’ajoute l’obligation de remettre en état l’ancien potager aménagé pour des spectacles, le jardin à la française et les parkings, dont les travaux ont été réalisés sans les autorisations administratives requises. Une condamnation à laquelle le Rocher Mistral a fait appel.
Rapidement, les médias vont s’emparer de l’affaire, propulsant le Rocher Mistral sur le devant de la scène nationale. Le cas du château de la Barben va même s’inviter au sein de l’Assemblée nationale, par la voix du député Insoumis Manuel Bompard. Accusé d’être un projet « d’extrême droite », dangereux pour l’environnement, révisionniste envers l’histoire de France, le Rocher Mistral se défend avec succès, et continue de créer de nouveaux spectacles et animations. « Cette mobilisation est de toute évidence idéologique : nous voyons parmi nos adversaires de nombreux candidats ou élus de premier plan, issus des rangs de la gauche et de l’extrême gauche : écologistes, Insoumis, communistes… », dénonçait en février 2024, auprès du Figaro, Vianney d’Alençon.
À la tête de l’offensive contre le parc provençal, on retrouve le maire du village de La Barben, où se situe le château. Élu en 2020, Franck de Santos semble avoir fait de la fermeture du Rocher Mistral une affaire personnelle.
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Le 25 octobre 2021, un arrêté municipal ordonne la fermeture au public du parc et du jardin, en raison d’un supposé défaut d’accessibilité aux personnes handicapées. C’est le premier acte d’une longue série de plaintes et d’arrêtés visant à entraver l’activité du Rocher Mistral. En avril 2022, le maire prend deux arrêtés pour ordonner la fermeture du potager et du jardin, mais ceux-ci sont annulés par la justice. Plus grave encore, la commune décide en 2022 de supprimer l’éclairage public sur la route menant au château, mettant, selon le parc, les visiteurs en danger, contraints de marcher dans l’obscurité jusqu’au parking.
Une réunion d’information transformée en meeting anti-Rocher Mistral
Autre point de friction majeur entre la mairie et le Rocher Mistral : le chemin communal du Baou, principal accès au château depuis le parking. Après avoir pris un arrêté interdisant la circulation des véhicules à moteur sur ce chemin, la mairie fait déposer des tas de terre, des barrières et des chicanes sur la voie. Un dispositif jugé excessif, rendant le passage impossible pour les poussettes et les fauteuils roulants, alors même que le parking constitue le point de rassemblement en cas d’incendie.
L’opposition du maire au parc sur l’histoire de la Provence s’est très vite dévoilée, et n’est aujourd’hui un secret pour personne
Le maire n’a jamais cherché à dissimuler son opposition au parc sur l’histoire de la Provence. Peu après l’ouverture du parc, le 20 juillet 2021, M. de Santos décide d’organiser une réunion publique au sujet du Rocher Mistral. Mais la soirée, censée être une réunion d’information, s’est vite transformée en un meeting anti-Rocher Mistral. Selon le témoignage de personnes présentes, le maire se serait emparé du micro, afin de critiquer durant plusieurs minutes le projet de Vianney d’Alançon.
Un domicile au pied du château
L’étrange et tenace opposition de la mairie de la Barben au Rocher Mistral a fait réagir jusqu’à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Dans un document consulté par le Figaro, le secrétaire général de la préfecture alerte sur l’acharnement du maire de la Barben envers le projet de Vianney d’Alançon : « La multiplication des interdictions et arrêtés adoptés par le maire de La Barben présentant des conséquences sur l’activité́ du Rocher Mistral constitue un faisceau d’indices concordants permettant d’établir une présomption sérieuse en vertu de laquelle le maire de La Barben recherche à limiter la fréquentation du Rocher Mistral […] De ce fait, il utilise les pouvoirs qui lui ont été confiés dans le but autre que ceux en vertu duquel ils lui ont été́ confiés, et notamment des pouvoirs de police administrative selon d’autres fins que la prévention de trouble à l’ordre public ».
L’origine de cette opposition, et des arrêtés qui en découle, pourrait se trouver dans le lieu d’habitation de l’élu local. Ce dernier réside en effet dans une maison située au pied du château, particulièrement exposé à l’animation nouvelle du site. « Nous demandons au procureur de déterminer s’il n’y a pas un mélange des genres. Entre d’un côté, l’intérêt personnel du maire, et d’autre part sa fonction d’élu de La Barben », déclare auprès du JDD maître Maisonneuve et maître de Warren, avocats du Rocher Mistral.
« Monsieur de Santos peut être pour ou contre le projet du Rocher Mistral, c’est son droit, mais là, cela va au-delà d’une simple opposition personnelle »
Les nombreux arrêtés et décisions pris par le maire seraient en effet susceptibles de constituer trois délits majeurs, de prise illégale d’intérêts, de détournement de bien public, et d’abus d’autorité. « Il n’y a rien qui justifie ces arrêtés, même dans l’intérêt de la commune. Monsieur de Santos peut être pour ou contre le projet du Rocher Mistral, c’est son droit, mais là, cela va au-delà d’une simple opposition personnelle », lâche maître Patrick Maisonneuve.
Le Rocher Mistral demande donc que justice soit rendue contre ceux qu’il estime responsables des préjudices matériels et moraux qu’il subit depuis des années. Selon les avocats du parc, ces plaintes pourraient aboutir à une condamnation pénale, assortie d’une peine d’inéligibilité pour le maire de La Barben.
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